Il y a des risques de voir les tonnes de pomme de terre d'importation se retrouver entre les mains des spéculateurs. Les opérations d'importation de la pomme de terre sont officiellement et temporairement exonérées des droits de douanes et de la taxe sur la valeur ajoutée. L'ordonnance relative à l'exemption temporaire des droits de douanes et de la taxe sur la valeur ajoutée des opérations d'importation de la pomme de terre, à l'état frais ou réfrigéré destinée à la consommation, a été publiée dans le Journal officiel du 19 août dernier. Pour rappel, le ministre du Commerce avait déjà évoqué ces mesures, le 11 août dernier, lors d'un point de presse. Le ministre avait affirmé que “s'il le faut, nous recourrons à la suppression de ces droits”, en précisant qu'il “s'agit d'une solution extrême que le gouvernement ne mettra en œuvre que si cela s'avère nécessaire”. Cette mesure était donc nécessaire, d'autant que le taux de droit de douane (30%) et celui de la TVA (17%) font que la pomme de terre importée est vendue sur le marché à des prix élevés. Environ 25 000 tonnes de pomme de terre ont été importées durant les mois de juin et juillet, sans effet sur les prix. Du coup, le gouvernement a décidé que “les opérations d'importation de la pomme de terre, à l'état frais ou réfrigéré, destinée à la consommation, relevant de la sous-position tarifaire n° 07-01-90-00, bénéficient d'une exonération temporaire de droits de douane et de la TVA”. Cette exemption s'applique durant la période allant du 20 août au 1er novembre. La décision toute récente des pouvoirs publics d'exonérer les importateurs de pomme de terre des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée permettra de revoir à la baisse le prix exagéré. Pour le ministre de la Solidarité, les prix ne devraient pas dépasser 45 dinars le kilogramme. Ce qui est déjà un peu cher pour la majorité de consommateurs algériens en raison de la flambée des autres produits aussi de large consommation. Le ministre de la Solidarité nationale, qui intervenait hier, lors d'une conférence de presse, sur l'opération solidarité de Ramadhan, tenue au dépôt du Croissant-rouge algérien (CRA) d'El-Madania, a affirmé que sur dix-huit importateurs, seize ont signé des cahiers des charges pour importer 75 000 tonnes de pomme de terre de l'étranger (Espagne et Pays-Bas, notamment) sur une période allant du 20 août au mois d'octobre. “12 500 tonnes ont été importées jusqu'à maintenant”, a-t-il indiqué. Le recours à l'importation peut certes constituer une solution transitoire, encore faut-il agir fermement contre la spéculation. Et c'est là où réside le problème. Si la hausse des prix de certains produits peut être expliquée par l'envolée des prix de la matière première (la poudre pour le lait et le blé pour la farine et la semoule), pour d'autres produits, le renchérissement des prix défie toutes les théories économiques et n'obéit aucunement à la loi de l'offre et de la demande. Le dysfonctionnement dans les circuits de distribution fait qu'entre le prix à la source, celui du gros et celui du détail, l'écart est astronomique. L'évaluation du marché intérieur révèle de nombreux dysfonctionnements qui sont à l'origine d'un important manque à gagner pour le Trésor public et qui pénalisent les activités régulières et l'investissement et portent atteinte à la concurrence loyale. Certaines statistiques révèlent que plus de 60% des fruits et légumes ne transitent pas par les marchés de gros. Ils sont écoulés soit sur les marchés parallèles, soit directement vendus aux collectivités locales ou aux transformateurs. L'Algérie ne dispose que de 42 marchés de gros opérationnels. Sur les 42 structures, seulement 3 sont dignes d'être nommées marchés de gros. La décision du gouvernement de construire une cinquante de marchés, dont 3 marchés de gros à vocation nationale, 21 marchés de gros régionaux et 25 autres de dimension locale, est judicieuse et à la longue pourrait canaliser le courant de fraudes. Mais, pour l'heure, il y a des risques de voir les tonnes de pomme de terre d'importation se retrouver entre les mains des spéculateurs. Ce qui est demandé à l'Etat, en économie de marché, c'est d'assumer ses missions de régulation, de normalisation, de surveillance et de contrôle de la sphère commerciale. M. R.