Vendredi 20 avril 2001, 7 h 00. les personnes matinales cueillent la nouvelle, au saut du lit, en cette journée de célébration du printemps berbère : Massinissa est mort ! L'accident supposé est devenu drame. L'espoir devient accablement. La rafale entendue le mercredi vers 18 h 15 a eu finalement raison de la vie de Massinissa. Peu de gens osent s'approcher du domicile du défunt tant le drame est atroce, assommant… Ils préfèrent se rendre du côté de la brigade de gendarmerie. Portes et fenêtres closes, les gendarmes, murés, observent la foule. Une sourde rumeur monte des villages que la bâtisse domine de ses trois étages et de sa position stratégique. N'a-t-elle pas été conçue en 1958, au paroxysme de la lutte de libération ? C'est dire qu'elle est imprenable ! Des cris et des slogans commencent à fuser. Très vite, dès 9 h 00, les nerfs sont à fleur de peau. L'on se rappelle que ces gendarmes n'en sont pas à leurs premiers démêlés avec la population. Les années de hogra et de passe-droits légalisés culminent avec cette agression entraînant la mort tragique de Massinissa. Il est difficile de contenir le sentiment de révolte d'autant que la violence ayant entouré l'embarquement de Massinissa et d'un autre jeune, mercredi en fin d'après-midi, a fait le tour des villages. Des dizaines de jeunes se réunissent au siège du RCD, mitoyen de la brigade. Une pétition est très vite rédigée et dispatchée sur les différents villages : elle accable les gendarmes et leur comportement. En quatre heures de temps, elle recevra 3 000 signatures. L'espace d'un moment, la virulence du document calme la révolte qui gronde. Mais très vite, celle-ci reprend ses droits : les premières pierres fusent. Personne ne pouvait soupçonner qu'elles sonnaient le glas pour ce corps de sécurité dans la région. Faut-il encore éventer ces secrets de polichinelle ? La corruption était patente et le comportement des gendarmes déplacé, provocant et agressif. Le mouvement forcit : il y a peine à faire prendre conscience du danger qui guette ces centaines de jeunes qui veulent, les mains nues, prendre d'assaut la brigade. Mais nous sommes déjà morts, répondent nombre d'entre eux aux conseils de retenue. Des heures durant, des pneus brûlent. L'enceinte de la brigade reçoit les coups de boutoir faits de madriers et de barres de fer. Les fenêtres métalliques de la brigade grognent sous les pierres qui y sont lancées avec toute la force du refus de l'injustice. La pluie ne décourage pas les jeunes qui se relaient pour dire à coups de pierres et de cris leur ras-le-bol. A 15 h 00, les brigades d'intervention dépêchées de Tizi Ouzou se déploient et les premiers coups de feu sont tirés. Place est faite aux premières émeutes : la rue accueille la révolte. C'est ici que tout a commencé. L. A. B.