Le malaise était perceptible hier, à la salle Harcha, qui a abrité un meeting consacré à la dénonciation des actes terroristes, notamment l'attentat à la bombe ayant ciblé récemment le cortège présidentiel, et au soutien à la politique de réconciliation nationale. Parmi les quelques milliers de participants, dont une partie composée de travailleurs exerçant dans des entreprises locales et des collectivités, bon nombre d'entre eux ont fustigé l'application actuelle de la réconciliation nationale, contrastant souvent avec les discours des représentants d'organisations de “la famille révolutionnaire”. À l'exemple de l'Organisation nationale des enfants de chouhada (Onec), de celle des moudjahidine (ONM), des Scouts musulmans algériens (SMA) et de la Coordination nationale des associations de soutien au programme du président de la République (CNASPPR). “Je suis là pour dénoncer le terrorisme et pour dire que je ne pardonnerai jamais à ceux qui ont assassiné mon fils, car nous sommes devenus une famille de morts vivants”, a déclaré Mme Zinou, la mère de notre collègue tué il y a près de 13 ans par les hordes barbares. La vieille femme, déçue de voir des gradins vides, a justifié les défections par la recrudescence des attentats à la bombe, impliquant un réflexe de conservation chez les gens qui “ont peur de mourir”. “En ce qui me concerne, mieux vaut mourir que trahir mon pays”, a-t-elle soutenu, en saluant “l'Algérie, l'armée et le président Bouteflika”. De son côté, une enseignante de couture du CACVA, un centre affilié à la wilaya d'Alger, a mis en avant “l'injustice” dont sont encore victimes des familles des personnes assassinées par le terrorisme. Pour preuve, dira-t-elle, une de ses cousines mariée à un soudeur, qui a été tué, il y a environ 13 ans près de Cherarba, et mère de 2 enfants, “n'a toujours pas reçu les indemnisations” promises par la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. D'autres enseignantes au même centre, mais également d'autres citoyens présents sur les lieux ont tenu à s'exprimer pour attirer l'attention sur leurs conditions de vie déplorables et le “long silence” des plus hautes autorités du pays devant la flambée des prix des produits de large consommation, ainsi que la “hogra” dans la distribution des logements sociaux et le manque de postes d'emploi. Pour un salarié de l'entreprise nationale Azrout, “le peuple algérien n'est pas encore souverain” comme stipulé dans les lois fondamentales, et n'a, par conséquent, “pas dit son dernier mot”. Notre interlocuteur a, en outre, estimé que “le peuple est privé de beaucoup de choses” qui font “sa dignité” et qui devraient l'impliquer dans “le dessein national”. Non sans déplorer les motivations de beaucoup de formations politiques qui sont loin de “se soucier de l'intérêt du peuple”. “La démocratie en Algérie n'existe pas vraiment, et le pays a aujourd'hui besoin d'un gouvernement non partisan”, a-t-il ajouté. D'autres voix ont été approchées. Certaines se sont interrogées sur “la crédibilité” du président Bouteflika “qui a promis la paix sans y parvenir”, qualifiant, entre autres, l'attentat de Batna de “preuve de son échec”. Selon un jeune citoyen venu “par curiosité”, les Algériens ont participé pendant des années aux meetings et rassemblements “pour dire aux gouvernants et au monde entier qu'ils rejettent le terrorisme”. “Beaucoup se sont impliqués dans la lutte antiterroriste au prix de leur vie, mais pour arriver à quel résultat ?” s'est-il demandé. Puis de poursuivre : “Des gens continuent à mourir, parce que le politique ne suit pas le sécuritaire, parce que l'application de la Charte (pour la réconciliation, ndlr) tarde à se réaliser. On ne sait pas comment sont gérés les dossiers des victimes du terrorisme, ceux des disparus et des familles de terroristes. On ne sait pas quelles sont les garanties données pour que les repentis ne récidivent pas. On ne sait même pas ce qu'est devenu l'argent racketté par les groupes terroristes”. Pour notre interlocuteur, “il y a urgence de chercher une autre perspective”, où “le pardon doit s'accompagner de la fermeté de l'Etat” et “où la générosité ne saurait se taire devant l'impunité et les provocations de repentis et d'activistes islamistes”. Hafida Ameyar