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Du malaise linguistique à l'aphonie imminente
La réhabilitation scientifique des langues s'impose
Publié dans Liberté le 15 - 09 - 2007

L'Algérie plurilingue et unie répartit ses langues selon le critère sociofonctionnel : (a) le domaine formel est partagé entre l'arabe scolaire et le français avec une tendance à la spécialisation et (b) le domaine personnel et intime, partagé entre les variétés de tamazight et l'arabe algérien commun à tous. Aucun des deux domaines ne reçoit un intérêt raisonné des institutions éducatives algériennes — source du malaise linguistique et de la perte des capacités de communication verbale entre les membres de la société qui, partant, recourent à la vitupération et à la violence physique.
Politique linguistique depuis les années 80 : arabisation idéologique
L'Algérie, plurilingue dans les faits, s'est distinguée par une politique linguistique de monolinguisme caractérisée par une volonté d'effacement des langues maternelles et étrangères, notamment le français. Cette dernière est accusée de colonialisme alors qu'elle a été, plus qu'un tribut, un véritable instrument de la guerre contre la colonisation. C'est en elle qu'ont été conçus les textes fondateurs de la Révolution algérienne et négociée l'indépendance du pays. Ce sont des francisants, imprégnés des idéaux véhiculés par cette langue, notamment les droits de l'Homme et de la liberté, qui ont initié et encadré cette révolution. Même les ulémas, qui ne sont pas connus pour leurs faits d'armes, publiaient en langue française (v. Le Jeune musulman, journal apparenté aux ulémas). Ainsi s'est-il établi une confusion entre “la volonté de réhabiliter l'arabe scolaire” et une guerre féroce contre les langues étrangères, notamment le français.
Pis, cette politique d'arabisation s'est confondue avec la diffusion sociale de contenus conservateurs et intégristes. Ces valeurs de misonéisme sont devenues consubstantielles à la pédagogie de l'arabe scolaire et ont entraîné sa dévalorisation auprès des apprenants et cette carence, notée par les auteurs, les éditeurs et les analystes, dans le lectorat arabisant.
La non-maîtrise actuelle de cette langue de l'Etat n'est que l'aboutissement logique de cette politique de désertification linguistique et culturelle. L'arabe scolaire ayant perdu tout concurrent s'est complu dans la léthargie. Il n'y a qu'à voir le spectacle désolant de l'utilisation des langues par les étudiants, traducteurs algériens, certains journalistes, médecins, politiques… mais surtout le degré de diffusion de l'idéologie intégriste pour se rendre compte de l'ampleur des dégâts. L'enseignement des langues a été aussi méprisé dans le système éducatif par la hiérarchisation institutionnelle des filières (dites scientifiques et littéraires). Cette situation induit des attitudes de mépris à l'égard des langues, des sciences sociales de manière générale, et ipso facto des valeurs d'humanisme.
Cet enseignement a marginalisé les textes littéraires, d'auteurs contemporains. Il a ainsi favorisé l'hypertrophie de l'espace consacré à la littérature religieuse activiste qui engourdit l'imaginaire des apprenants et leur goût artistique et esthétique.
Dévalorisation du savoir et perte de valeur de l'institution scolaire
Cette situation désastreuse s'est compliquée par un phénomène sociétal plus large : la dévalorisation systématique de la dimension du savoir au regard de celle du pouvoir. Elle s'exprime par la volonté de maintenir le savoir dans une position hétéronome : ses prémices sont la politique de répression de la liberté de penser, la marginalisation sociale par la politique salariale, le mépris et la domination du savoir y compris dans ses espaces universellement consacrés : l'école et l'université. Véritable complexe du colonisé (v. Franz Fanon), des hommes politiques (pouvoir et opposition) tiennent une attitude de méfiance à l'égard du savoir et pensent qu'en le déclarant, ils déroberaient leur responsabilité dans le désastre intellectuel subséquent. Un ex-Premier ministre affirmait avec suffisance qu'il “en boucherait des trous à bien des économistes” ou que “de bons universitaires ne feront pas nécessairement de bons ministres”. Résultat : l'Algérie a-t-elle de bons ministres ou de bons universitaires ?
Langue et référence cognitive
Il faut penser la question linguistique au regard des intérêts de la nation toutes obédiences idéologiques confondues. Quel intérêt l'Etat a-t-il de s'entêter à imposer le monolinguisme et de mener une guerre contre les autres langues ? Ce faisant, les institutions ne seraient-elles pas complices de l'intégrisme qui voulait décimer les francisants durant les années 90 ? Faut-il fermer les yeux face à l'image du Moyen-Orient où, après l'assassinat de Mehdi Amel, de Sobhi Saleh, de Farag Fodda… et de l'attentat contre Neguib Mahfoud, prix Nobel de littérature, des cheikh lugubres (El-Khabar du 12/09/07) s'enrichissent en traînant des arabisants modernistes devant les tribunaux égyptiens et les désignent comme cible aux terroristes ? Faut-il oublier notre calvaire ?
S'il est vrai que la langue n'est en principe pas liée à une idéologie donnée, il n'en demeure pas moins qu'à un moment de son histoire, elle manifeste bien un contenu idéologique dominant. Aujourd'hui, le savoir se produit en langues étrangères. C'est le français que l'Algérien maîtrise le mieux. Si l'on admet qu'il ne se produit plus de savoir en arabe depuis plusieurs siècles, sachant que le rationalisme arabe est oblitéré dans les cultures arabes, et qu'il ne se traduit presque rien des langues étrangères vers l'arabe, à quoi voudrait-on que l'enseignement de cette langue renvoie aujourd'hui ? Avec quels contenus cognitifs serait-elle enseignée ? La maîtrise du français, en raison surtout de son assise sociale en Algérie, est dans l'intérêt de tout le monde car, désormais, dans la société mondialisée, la ligne de clivage se situe entre blocs de nations et non pas entre blocs intra-nationaux.
Que faire ?
L'idée est de décomplexer le champ linguistique algérien en recentrant les débats et l'émulation sur la production des biens scientifiques et intellectuels. Il est urgent avant la catastrophe d'établir une politique linguistique et éducative rationnelle.
Pour l'arabe scolaire
Réformer son enseignement en le rattachant au patrimoine rationnel arabe et islamique, et à la modernité en tant que sensibilité, pensée et technologie (dans les manuels pédagogiques et les programmes d'histoire et de civilisation islamique). Réformer en profondeur l'enseignement religieux en le recentrant sur l'aspect civilisationnel et sur la critique de la pensée rationnelle et fidéiste islamique. Distinguer entre l'enseignement de l'arabe scolaire et celui de la religion
Pour les langues étrangères
Rétablir et revaloriser le statut et l'enseignement des langues étrangères français, anglais, espagnol, italien, allemand, chinois, russe…)
Faire appel à la coopération dans le cas d'un manque d'enseignants compétents et au privé national.
Exiger la spécialisation et la rigueur.
Revoir en profondeur l'enseignement universitaire de ces langues où les écoles doctorales, en dépit de leur utilité, optent pour la quantité et la rapidité au détriment de la qualité.
Pour les langues maternelles
Pour l'apaisement linguistique et identitaire, réhabiliter toutes les langues maternelles algériennes, les débarrasser de leurs scories idéologiques en les dotant d'institutions de recherche scientifique et de visibilité dans l'espace social, culturel et médiatique algérien. La mise en place d'un réseau national de bibliothèques mis à jour permettra certainement de soutenir cette tâche nationale grandiose qui consiste à redonner l'usage de la voix aux Algériens entre eux, d'abord, puis entre eux et le reste du monde. C'est là un pari gagnant, gagnant pour tous les Algériens, qui hissera sans nul doute la société vers le statut de compétitivité internationale.
A. D.
(*) Docteur de l'université de la Sorbonne, professeur en sciences
du langage et de traduction (arabe-français-anglais), Université d'Alger


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