Si le chef de file des rebelles est maintenant connu de tous, puisqu'il n'hésite pas à revendiquer les actions qu'il conduit, ses motivations le sont beaucoup moins. La paix ramenée dans le nord du Mali en juillet 2006 grâce à la médiation de l'Algérie, mettant fin au conflit opposant la rébellion touarègue aux forces armées régulières, est en train de voler en éclats après les attaques conduites, vendredi, contre une caserne militaire à Tinzaouatine, à la frontière avec l'Algérie. Les accords signés, l'année dernière, entre les représentants de la rébellion et les autorités maliennes, sous l'égide de l'Algérie, se trouvent ainsi piétinés par une partie des rebelles qui ont repris les armes malgré l'opposition de certains de leurs anciens acolytes, mais surtout des principales tribus touarègues qui ne veulent pas d'une autre déstabilisation de la région. D'ailleurs, l'ex-rébellion touarègue au nord du Mali, regroupée au sein de l'Alliance démocratique du 23 mai 2006 pour le changement (ADC), s'était démarquée publiquement de cette action qu'elle a condamnée. Même le président malien n'a pas manqué de faire appel une nouvelle fois à l'influence de l'Algérie pour convaincre la rébellion de cesser les hostilités déclenchées en mai dernier avec l'attaque d'un poste militaire à Tinzaouatine faisant une dizaine de morts. Cependant, c'est à la fin du mois d'août et au début du mois en cours que les troubles dans cette région se sont accrus avec l'enlèvement, les 26 et 27 août dernier, de plusieurs dizaines de personnes, des militaires et des civils, et la prise pour cible de postes militaires de l'armée malienne. Certes, les efforts fournis par le chef de l'ADC, Iyad Ag Ghaly, ont permis d'obtenir le 31 août une trêve entre les parties en conflit, mais cette paix n'a pas fait long feu malgré l'engagement pris par les rebelles touarègues de ne plus attaquer l'armée régulière et de ne plus procéder à des enlèvements. Contre toute attente, la tension a repris le dessus le 12 septembre dernier lorsqu'un avion américain venu ravitailler l'armée régulière, isolée dans ces contrées désertiques, a été pris pour cible par des rafales tirées par les rebelles. Deux jours après, c'est l'escalade avec l'attaque lancée contre un poste militaire toujours dans la région de Tinzaouatine. Toutes ces attaques ont un nom : Ibrahim Ag Bahanga. Si le chef de file des rebelles est connu de tous, puisqu'il n'hésite pas à revendiquer les actions qu'il mène, ses motivations le sont beaucoup moins. Quelles sont les raisons qui l'ont amené à rompre la trêve moins de deux semaines après l'engagement arraché par le chef de l'organisation rebelle touarègue ? Qui a intérêt à fouler aux pieds les accords d'Alger qui ont permis l'année dernière le retour au calme dans cette région désertique qui attise les convoitises des trafiquants de tous bords et même d'Al-Qaïda ? Cette nouvelle déstabilisation a-t-elle un rapport avec les projets très controversés du guide libyen Mouammar Al-Kadhafi pour la région du Sahara, lui qui voulait fédérer les touarègues ? L'on peut également s'interroger ici sur le lien qui pourrait y avoir entre le retour de la tension dans cette zone sensible de l'Afrique et les intentions des Etats-Unis d'y installer une base qui serait le siège du commandement régional militaire pour l'Afrique (Africom). Même les anciens acolytes de ce nouveau chef rebelle n'arrivent pas à déchiffrer ses desseins et ses motivations, lui qui avait applaudi les accords d'Alger du 4 juillet 2006. Les autorités maliennes l'accusent de vouloir s'emparer de toute la région de Kidal, frontalière avec l'Algérie, pour s'adonner en toute liberté à des trafics en tous genres, mais le rebelle réplique en affirmant que le gouvernement malien n'a pas respecté sur le terrain les accords paraphés. Des renforts militaires sont d'ailleurs annoncés dans la région. Quel sort donc attend Ibrahim Ag Bahanga et ses hommes retranchés dans les montagnes avoisinantes de Tinzaouatine ? L'armée malienne arrivera-t-elle à les débusquer dans cette zone très difficile d'accès et où les rebelles se sentent comme des poissons dans l'eau ? Hamid Saïdani