Suite à une affaire d'importation entachée d'irrégularités, pas moins de quatre hauts fonctionnaires des douanes exerçant au port de Mostaganem où s'est déroulée l'opération viennent d'être relevés de leur poste. Des sources proches de l'administration douanière indiquent que ces responsables sont soupçonnés de complicité, voire de complaisance dans la gestion de cette importation qui comporte une fausse déclaration aussi bien sur la valeur que sur le poids. Les faits remontent au 9 février dernier, où un opérateur privé “intervenant sous un prête-nom et étrangement domicilié à Chéraga”, soulignent nos sources, réceptionne une cargaison de six containers de pommes vertes, représentant 75 tonnes pour une valeur de 1,17 million de dinars. Telle qu'elle a été introduite pour le dédouanement, l'opération fera ressortir une valeur de 15 DA pour le kg de pomme livrée jusqu'à Mostaganem, c'est-à-dire en coût et fret. Premier élément de fraude. “Cette valeur est minorée”, déclarent nos interlocuteurs, soulignant qu'il y a, à ce niveau, une sous-facturation flagrante. En effet, indique-t-on, la valeur de référence pour la pomme, telle qu'elle est adoptée par les douanes, tourne autour de 25 DA le kg. La malversation ne s'arrête pas là, puisque à la pesée définitive, après intervention de la contre-visite entreprise par les douaniers, il est relevé un excédent de 24 tonnes, non déclarées. Autrement dit, l'importateur voulait réaliser un bénéfice considérable, en franchise importante tant sur le poids que sur la valeur. Plus grave encore, cette marchandise a été dédouanée, dossier apuré et liquidé en un temps record. Le jour même, elle arrive à 15h 00, l'opérateur introduit sa déclaration ; un quart d'heure plus tard, elle est liquidée et à 16h 00, le paiement des droits et taxes est effectué. Ces anomalies sont reportées sur le rapport établi par la mission diligentée par l'inspection générale des douanes. Pourtant, relève-t-on, la caisse des douanes ferme les guichets à 15h 00. Après l'accomplissement de ces formalités suivant un rythme marathon, les six containers prendront normalement le chemin de la sortie du port vers... 18h 00 ! C'est à ce moment qu'ils seront interceptés par la brigade de contrôle des douanes, agissant sur renseignements. Une contre-visite est vite ordonnée permettant de conclure à une complicité avérée à divers niveaux. “Même la liquidation du dossier a été faite de manière manuelle sans passer par l'informatique”, relève-t-on, et ce, dans le but de “détruire le dossier probablement et n'en laisser aucune trace”. Alors qu'à Oran même, la pomme est liquidée sur la base d'une valeur de 25 DA le kg, à l'instar des autres points de douane, pourquoi, à Mostaganem a-t-on dédouané et accepté la valeur de 15 DA ? Outre les horaires choisis pour le dédouanement et la sortie de la marchandise, qu'est-ce qui explique qu'une entreprise domiciliée à Chéraga opère à partir du port de Mostaganem ? Pour faire diversion et tenter de dissimuler la fraude, soutient-on, le douanier qui a traité le dossier a sanctionné l'importateur d'une amende de 65 000 DA pour excédent dans le poids. La contre-visite, quant à elle, a estimé l'amende de principe à 1,4 million de DA, confirmant les suspicions sur les irrégularités du dossier. Quant au véritable propriétaire de la marchandise, nos sources indiquent qu'il entretiendrait des relations “influentes”. A partir de cette affaire, les enquêteurs des douanes s'interrogent sur le nombre d'opérations de ce genre qui ont dû emprunter les “voies de la franchise” par ce canal que les affairistes qualifient de “boulevard”. Pour cette fois... la pomme n'est pas passée. A. W.