Depuis quelques semaines, c'est le branle-bas de combat au niveau de l'aéroport international d'Alger, précisément au service du fret où les officiers de la police judiciaire du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) enquêtent sur « un présumé réseau » d'importation de matériel de télésurveillance et de télécommunication, notamment des téléphones satellitaires Thuraya, des postes radio émetteurs-récepteurs, des caméras à infrarouge, etc. Selon des sources proches du dossier, c'est à la suite de l'arrestation d'un terroriste qu'un douanier aurait été arrêté à Sétif. Ce dernier a exercé pendant des années au service fret de l'aéroport international d'Alger, avant qu'il ne soit muté, il y a deux ans, à Sétif. Quelques jours plus tard, dix-sept de ses collègues sont interpellés, interrogés sur l'affaire puis inculpés et interdits de quitter le territoire national, alors que deux militaires exerçant au service du scanner sont quant à eux mis en détention. De nombreux commerçants, des trabendistes et des citoyens, aux noms desquels les colis étaient portés, ont été également interpellés par les services de sécurité ; trois d'entre eux l'ont été il y a quatre jours seulement. Les premiers éléments de l'enquête ont montré que l'équipement, dont une bonne partie est considérée comme étant du matériel militaire, était importé par voie de fret. Pour éviter tout contrôle ou paiement de frais, de droits et taxes, il était récupéré directement par les propriétaires grâce à des complicités internes. L'enquête a concerné l'ensemble des voies d'acheminement des colis postaux (EMS, DHL, Feedex, etc.) auxquelles ont recouru « les présumés trafiquants ». Elle a également été étendue à toutes les opérations de fret sur au moins six années. Pour l'instant, rien n'indique que tout le matériel importé clandestinement était destiné aux terroristes, même si une partie a été retrouvée entre les mains de ces derniers. C'est ce que les enquêteurs s'attellent à déterminer en convoquant chaque jour des personnes pour les entendre. Pour nos sources, il s'agit « d'un lourd dossier qui aura des répercussions assez importantes » dans la mesure où il touche à la « sûreté de l'Etat ». « On ne sait pas encore », ont révélé nos interlocuteurs, « s'il s'agit d'un réseau de trafiquants agissant pour les terroristes ou tout simplement de cas isolés qui ont pris de l'ampleur avec le temps et dont les terroristes ont tiré profit ». Ce qui explique, ont-il ajouté, la discrétion qui l'entoure, le nombre de personnes concernées et son étendue dans le temps et dans l'espace. Par ailleurs, il est important de préciser que l'affaire présente des similitudes étranges avec celle qui a éclaté, dans les années 1990, au service des colis postaux d'Alger et qui concernait l'importation par voie postale de pistolets automatiques. A l'époque, ces importations avaient fait tache d'huile et impliquaient de nombreuses personnes, dont des cadres de l'administration locale qui délivraient les permis de port d'arme. En tout état de cause, l'interpellation des dix-sept douaniers du service de fret intervient alors que douze de leurs collègues exerçant au service des voyageurs de l'aéroport international d'Alger ont été relevés de leurs fonctions. Ils avaient été filmés, par la caméra de surveillance des services de police, en train de faciliter la sortie sans contrôle de plusieurs cabas (appartenant à des trabendistes). Ils avaient protesté contre cette sanction à travers une lettre envoyée à tous les responsables, arguant du fait que le jour de la prise de ces images vidéo, « il n'y avait pas "qu'eux'' mais également "certains" de leurs collègues "étrangement épargnés", allant jusqu'à parler de "deux poids, deux mesures" ». Ils avaient d'ailleurs dénoncé un des leurs qui facilitait, selon eux, la sortie de pièces détachées importées dans des cabas par un concessionnaire de véhicules, en l'occurrence Sovac. Une dénonciation qui, effectivement, vingt-quatre heures plus tard, a permis d'intercepter, à la sortie de l'aéroport, des cabas contenant des pièces de rechange non déclarées. L'affaire avait provoqué un séisme à l'aéroport, ce qui a poussé l'inspection des Douanes à ouvrir un dossier. Les auditions des douaniers du service des voyageurs se poursuivent toujours et il n'est pas exclu que l'affaire soit déférée devant le parquet d'Alger dans les jours à venir.