L'arsenal nucléaire du Pakistan risque de se retrouver entre de mauvaises mains si la tenue des prochaines élections aggrave les troubles dans le pays, a mis en garde le président pakistanais Musharraf, justifiant sa décision de décréter ce mois-ci l'état d'urgence. Mais l'armée est là et tant que l'armée est là rien ne peut se passer pour notre composante stratégique, devait-il répondre aux pressions de Washington dans une interview à la BBC britannique, juste avant de recevoir samedi en fin d'après-midi le secrétaire d'Etat adjoint américain John Negroponte qui devait essayer de le convaincre de trouver un arrangement avec Benazir Bhutto, chef de file de l'opposition. Le chantage au nucléaire a toutes les chances de fonctionner car, dans le fond, Washington craint d'affaiblir un allié de premier plan dans la région au moment où également El-Qaïda se regroupe dans les zones tribales du Pakistan. Les Etats-Unis veulent que le général président lâche du lest et respecte le processus démocratique au moins dans ses aspects procéduriers. Qu'il remette en liberté les milliers d'avocats, de militants de l'opposition et de défenseurs des droits civiques et qu'il lève l'état d'urgence en préalable à la tenue d'élections législatives libres, qui devraient avoir lieu à un moment où l'autre avant le 9 janvier 2008. Les Américains craignent que nul ne soit en mesure au Pakistan de soutenir autant que Musharraf leur lutte contre le terrorisme. Negroponte, qui a rencontré en outre le général Ashfaq Parvez Kayani, qui succédera à la tête de l'armée à Musharraf lorsque celui-ci deviendra un président civil et le général Nadeem Taj, chef des services de renseignement pakistanais (ISI), a fait état de la hantise de l'administration américaine que Musharraf ne soit plus à la tête du Pakistan. Les Etats-Unis avaient, avant la proclamation de l'état d'urgence, aidé Bhutto, de retour d'exil, et Musharraf à s'entendre sur le principe d'un partage du pouvoir après la tenue d'élections, mais chaque camp accuse l'autre mutuellement d'avoir trahi la confiance de l'autre, avec l'état d'urgence. Alors que Negroponte arrivant à Islamabad, l'armée pakistanaise a annoncé avoir regroupé quelque 15 000 hommes dans le nord du pays afin de lancer une grande contre-offensive contre des islamistes radicaux dans la vallée de Swat. Et Washington, qui craint que la frontière pakistano-afghane ne devienne le refuge d'un nombre croissant de militants talibans et d'El-Qaïda, n'a pas arrêté de harceler Musharraf pour qu'il traque les terroristes. La menace du terrorisme islamiste a été invoquée par Musharraf pour déclarer l'état d'urgence au Pakistan le 3 novembre. Musharraf a dit à l'émissaire américain que l'état d'urgence avait pour but de renforcer le système de maintien de l'ordre afin de lutter contre l'extrémisme et qu'il ne sera levé que lorsque la sécurité serait rétablie dans le pays, a déclaré le porte-parole du président pakistanais. Il reste que l'opposition a également son mot à dire, malgré la répression. Mme Bhutto tente de la fédérer. Elle a trouvé des passerelles avec les islamistes soft mené par un ex-Premier ministre en exil, celui-là même que Musharraf avait destitué en 1998 lors de son coup d'Etat. D. B.