L'horreur du double attentat à la voiture piégée perpétré, hier, dans la matinée sur les hauteurs d'Alger, devant les sièges du Conseil constitutionnel et du Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), nous a littéralement explosé à la figure pour nous ramener à la réalité de la situation sécuritaire dans le pays. Tout concourt à dire que la nuisance terroriste est restée pratiquement intacte. D'abord cette date du 11 décembre qui nous rappelle que, finalement, l'Algérie n'a pas tiré de leçons du dramatique double attentat du 11 avril qui a visé également dans la capitale le Palais du gouvernement et un commissariat de la banlieue est d'Alger. À chaque capitale, son chiffre 11, et tout ce qu'il suppose en victimes innocentes, certes aussi horrible que dramatique mais toujours salutaire. New York (Etats-Unis, septembre 2001) et Madrid (Espagne, mars 2004). Mais autant l'Espagne que les Etats-Unis n'ont pas eu besoin d'une réédition du scénario du 11 septembre et mars, pour mettre tout en œuvre et user des grands moyens pour traquer le terrorisme là où il se trouve. Ensuite, que le nombre important de chefs terroristes éliminés ou encore celui non moins important des chefs qui se sont repentis, ces deux derniers mois, ne signifient nullement une décapitation de l'ex-GSPC, encore moins une saignée dans ses rangs. La neutralisation, notamment au mois de novembre dernier de Bouderbala Fateh, dit Abdelfatah Abou Bassir, le chef de l'ex-GSPC d'Alger, n'a finalement rien changé à la capacité de nuisance de ce mouvement terroriste, et il faut bien admettre qu'au niveau de la nébuleuse terroriste, la disparition d'un chef ne change pas grand-chose au fonctionnement du groupe ; tout au plus, il s'agirait d'un remplacement au pied levé d'un poste qui ne requiert finalement pas une compétence précise, sauf peut-être la volonté de tuer sans discernement. Et on a presque envie de croire que ces groupes terroristes sont peut-être à mille lieux de l'organisation et la structuration que veulent bien leur donner les analystes de la scène sécuritaire et les médias. Enfin, les lieux des attentats qui nous édifient sur une vérité qu'on refuse toujours d'admettre, et vis-à-vis de laquelle les déclarations officielles semblent avoir tout faux. Celle qui nous a été administrée hier et qui veut que le terrorisme est toujours capable de frapper là où il veut et quand il veut. Le doute reste donc de mise quand on entend dire officiellement que les groupes terroristes ont de plus en plus de difficultés à perpétrer des attentats. Car le fait que ces terroristes ont réussi à atteindre des quartiers de la capitale censés être les mieux protégés, parce qu'ils abritent les édifices les plus sensibles et connaissent la plus grande concentration de chancelleries, suggère avec insistance qu'ils disposent, contrairement à ce que l'on pouvait penser, d'une marge de manœuvre conséquente. D'autant plus qu'on peut supposer que si les terroristes avaient réussi, précisément un 11 du mois, à perpétrer ces lâches attentats, c'est que l'accalmie qui a régné depuis le 11 avril dernier dans la capitale relève plus d'une stratégie des groupes terroristes, dont le principal objectif serait d'endormir la vigilance des services de sécurités que d'un maillage efficace de la ville d'Alger par ces mêmes services de sécurité. Du moins pourrait-on le penser, sachant que la signification de cette date symbole pour les terroristes ne pouvait échapper aux responsables de la lutte antiterroriste. En effet, chaque 11 du mois est devenu lourd de sens partout dans le monde et plus particulièrement en Algérie depuis l'allégeance de l'ex-GSPC à Ben Laden et sa désormais affiliation à Al-Qaïda. Ce qui laisse redouter l'éventualité d'un redéploiement des groupes terroristes activant dans le centre du pays, qui échappent encore à la perspicacité des responsables en charge de la lutte antiterroriste. Car il faut bien admettre que la lutte antiterroriste en milieu urbain puise sa force dans le renseignement et le repérage des mouvements des groupes soupçonnés d'activités subversives. En effet, c'est grâce à la collecte d'informations de leur recoupement et leur traitement que les services de sécurité parviennent généralement à contrecarrer les plans des terroristes et à prévenir leur action violente. N'est-ce pas que partout en Europe et aux Etats-Unis, l'opinion est toujours témoin d'attentats terroristes déjoués grâce à des actions préventives qui aboutissent à l'arrestation de terroristes avant la concrétisation des actions criminelles. Il ne faut pas se faire d'illusions, aucune force de sécurité n'est capable de contrer un kamikaze quand il entre en action, tout au plus si elle limite les dégâts. D'autant mieux que l'action de type kamikaze reste l'attentat le plus facile à réaliser pour les terroristes, car ne demandant pas de grandes capacités de planification, encore moins une lourde logistique. Reste donc cette grosse interrogation, par exemple, sur le travail de fond qui consiste à soustraire les jeunes chômeurs, lycéens ou étudiants de l'embrigadement qui les transforme malgré eux en bombes humaines. Ou encore ce questionnement qui voudrait savoir si l'Etat a mis tous les moyens humains et matériels dont il dispose dans la bataille qu'il livre au terrorisme. On aura vu pourtant, quand le président de la République avait donné des instructions précises, comment l'ANP a réussi, grâce à une mobilisation sans précèdent, à faire des coupes sombres dans les rangs des terroristes dans les monts de la Kabylie et à l'est du pays. On peut également supputer sur les limites qu'aura peut-être atteint une politique de réconciliation nationale qui a franchement épuisé le sujet sur la capacité du peuple à accorder le pardon à ses bourreaux. Il est indéniable que la réconciliation a réussi à ramener dans le droit chemin ceux qui ont bien voulu croire au retour de la paix. Mais est-ce aujourd'hui nécessaire de pousser cette politique à l'extrême bout de sa logique ? N'est-il pas temps de passer à autre chose ? Zahir Benmostepha