Le spectre d'une guerre tribale est réel au Kenya où plus de 300 morts sont enregistrés depuis la proclamation de la victoire à la présidentielle pour un second mandat de Kibaki. Son rival a contesté les résultats et, pour ne pas arranger la situation, le président de la Commission électorale vient de déclarer, après avoir proclamé la réélection contestée de Kibaki, ne pas être sûre de sa victoire ! “Je ne sais pas si Kibaki a gagné l'élection”, a concédé ce responsable au quotidien The Standard, l'un des deux plus influents du pays, au moment où le chaos s'installe au Kenya. Le rival de Kibaki, Odinga, qui a rejeté les résultats du scrutin, a appelé à un rassemblement aujourd'hui à Nairobi, interdit par la police. Kibaki a menacé de traiter avec fermeté les émeutes meurtrières qui ensanglantent le pays depuis dimanche, mais a convenu que les dirigeants des partis politiques devraient se rencontrer immédiatement et appeler publiquement au calme. Les appels à l'arrêt des violences qui se multipliaient hier prenant l'aspect d'affrontements interethniques sont sans écho. Déjà plus de 300 morts dans ce pays décrit, jusqu'à ce chaos, comme un modèle de stabilité en Afrique. Dans le bastion du chef de l'opposition Odinga, dans l'ouest du pays, les violences ont pris à certains endroits un aspect de nettoyage ethnique, notamment à Eldoret où des assaillants ont incendié une église mardi dans laquelle 300 à 400 personnes s'étaient réfugiées, faisant au moins 35 morts, dont des femmes et des enfants. Les Luos se vengent sur les Kikuyu, Odinga étant le fils des premiers et Kibaki recrutant chez les seconds. Face à ces affrontements à caractère ethnique, la communauté internationale a lancé des appels au dirigeant kenyan et à la classe politique pour qu'ils fassent preuve d'esprit de compromis. Washington qui avait la première félicité la victoire contestée de Kibaki a modéré son enthousiasme. La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, et le ministre britannique des AE, David Miliband, se sont félicités de l'appel lancé par l'Union africaine à mettre fin aux violences, exhortant en plus tous les leaders politiques kenyans à placer les intérêts démocratiques du Kenya en première ligne. L'Union européenne a également appelé à la retenue et au dialogue le président et son rival, souhaitant une solution crédible et transparente aux problèmes suscités par la présidentielle. Odinga a averti qu'il n'accepterait de négocier avec le président sortant que s'il reconnaissait avoir perdu les élections, exigeant de recompter les voix par une équipe internationale de juges. Odinga avait accusé Kibaki de fraude sur au moins 300 000 voix. L'écart officiel entre les deux candidats est de 231 728 voix. La mission d'observation de l'UE a elle aussi demandé une enquête indépendante sur les résultats. La presse kényane jugeait hier sévèrement ses leaders politiques. Dans un commentaire intitulé “Donner une chance à la paix”, The Nation, le plus grand quotidien de Nairobi, écrit qu'“on ne peut pas laisser cette folie continuer, il s'agit de sauver les vies d'innocents Kényans qui meurent de la plus atroce des façons, pendant que leurs dirigeants continuent de profiter de luxueux salaires payés par les contribuables”. D. Bouatta