Le Mouvement démocratique orange du chef de l'opposition kenyane, Raila Odinga, qui conteste la réélection du président Mwai Kibaki, exige l'organisation d'un nouveau scrutin présidentiel d'ici trois mois. Odinga, dont les militants ne baissent pas les bras, se dit prêt à examiner avec Kibaki un accord de transition durant lequel des préparatifs sérieux pourront être faits pour cette nouvelle élection du Président, selon des règles du jeu qui seront transparentes et démocratiques, a-t-il précisé. Odinga accuse le camp du président Kibaki, officiellement réélu avec un peu plus de 200 000 voix d'avance, de lui avoir volé la victoire. L'annonce des résultats devait, par ailleurs, immédiatement être suivie d'une flambée de violences meurtrières, notamment dans les bidonvilles de Nairobi et les grandes villes de l'ouest du pays, bastions électoraux d'Odinga. Plus de 350 morts avec le réveil d'un spectre ethnicide à la Rwanda. Les polices paramilitaires et anti-émeutes ont quadrillé Nairobi pour bloquer toute manifestation de l'opposition, qui avait dû renoncer à défiler face au déploiement massif des forces de sécurité. Après l'échec apparent d'une tentative de médiation Union africaine-Commonwealth, la secrétaire d'Etat adjointe américaine chargée des Affaires africaines, Jendayi Frazer, devait se rendre dans la capitale kenyane pour tenter de promouvoir le dialogue entre Kibaki et Odinga. La tension devait néanmoins baisser après les appels au calme d'Odinga et Nairobi reprenait un visage plus ou moins normal, mais le bidonville de Kibera (800 000 habitants) était toujours fermé par les forces de l'ordre. La police a averti ne plus tolérer de rassemblements ni de manifestations, assurant qu'elle enquêtait sur l'implication présumée d'un homme politique de l'opposition dans l'incendie criminel d'une église qui a fait au moins 35 morts mardi dernier dans l'ouest du pays. Outre les morts, les violences politico-ethniques qui ont opposé Kikuyu de Kibaki et Luos d'Odinga ont fait également environ 100 000 déplacés, selon la Croix-Rouge kényane. En revanche, les autorités kényanes n'ont cesse d'affirmer que la sécurité des touristes étrangers était assurée. Le tourisme est l'une des principales ressources du pays, dont l'économie est à l'arrêt depuis le 27 décembre. Cette paralysie entraîne des pénuries de carburants dans plusieurs pays d'Afrique de l'Est et des Grands Lacs, qui utilisent le port kényan de Mombasa, sur l'océan Indien, pour leurs importations. La Banque mondiale a mis en garde contre des dégâts à l'économie du Kenya et des pays voisins qui dépendent de Nairobi. L'Ouganda, le Rwanda et le Burundi subissent déjà des pénuries de carburants. Sur le plan politico-diplomatique, Mgr Desmond Tutu, archevêque anglican sud-africain, qui fait office de médiateur, a rapporté lui que le président kenyan n'était pas hostile à la formation de coalitions mais qu'il devait y avoir clairement reconnaissance qu'il existe une autorité qui gouverne ce pays. Les Kényans, d'une manière générale, sont atterrés de voir une telle crise s'emparer de leur pays, destination touristique prisée et base logistique pour les diplomates, journalistes et travailleurs humanitaires actifs en Afrique de l'Est. “Les images de république bananière qui passent sur toutes les grandes chaînes occidentales, dans les journaux, sur les sites Internet, montrant des corps à la morgue, des violences policières et des guerriers tribaux brandissant haches et machettes, tout cela est terrifiant et écœurant”, a écrit le Standard de Nairobi. D. B.