Le gouvernement vient de se réapproprier les entreprises de la Société de gestion “presse et communication”. Dans les faits, cela ne change pas beaucoup au fonctionnement des imprimeries, des journaux publics et du monopole de la publicité institutionnelle. Ils n'ont jamais cessé d'être conçus comme des instruments de propagande du pouvoir et des moyens de pression sur la presse privée. Cela ne fait qu'organiser l'autorité du Chef du gouvernement sur le groupe. La décision ne fait que formaliser l'emprise autoritaire sur l'expression nationale. Au demeurant, le pouvoir ne s'en est jamais caché. La liberté de presse écrite qui survit, aujourd'hui, à la marge d'un secteur public privatisé par les clans et d'un secteur privé mis au pas, pour partie, et “clientélisé”, pour une autre, relève du miracle. Presque surpris de la providentielle ouverture du champ médiatique qui accompagnait l'éclosion du multipartisme, les professionnels convertis au journalisme indépendant ont d'abord joué le jeu de remplir leur fonction d'information et d'interprétation des réalités nationales. Le risque pris pour assumer cette mission leur a permis de remplir une glorieuse page de l'histoire du journalisme. Se sentant débordé par le discours indépendant, le système a usé de tous les moyens pour normaliser l'expression écrite, partiellement émancipée, puisque la télévision et la radio n'ont jamais échappé au contrôle du pouvoir politique. Il a commencé par user de l'arme de la suspension administrative et du harcèlement judiciaire, allant jusqu'à réformer le code pénal pour se faciliter la procédure d'emprisonnement des journalistes. Le monopole de la publicité et le monopole de l'imprimerie, puis le fisc, furent appelés au secours de la répression de la presse récalcitrante, alliant ainsi le bâton et la carotte, la seconde n'étant finalement pas moins efficace que le premier dans l'apprivoisement de la parole. L'existence de journaux privés semble être traitée comme un fait accompli dont il faut contenir les effets et empêcher la prolifération. La procédure de l'agrément joue ce rôle de sélection politique dans le développement de la presse indépendante. Quant aux mass media, les dirigeants ont régulièrement rappelé que leur ouverture n'est pas à l'ordre du jour. La dernière mise au point est venue du directeur général de l'ENTV pour qui la liberté d'expression constituait un danger pour la stabilité du pays. Pour continuer à monter sur la citadelle cadenassée de l'information, on multiplie les chaînes publiques, pour avoir un semblant de multiplicité avec une panoplie d'émetteurs du discours unique. Il faut dire qu'une fois le paysage politique normalisé, comme c'est le cas depuis une décennie, la liberté de presse n'est plus une revendication. La classe politique, “clientélisée” avant que les journaux ne soient majoritairement maîtrisés, est dans la même situation que le régime : elle sollicite la presse autant qu'elle l'appréhende. Voilà un autre sujet de consensus, en plus de celui de la réconciliation nationale. Le transfert de tutelle des entreprises de presse et de communication constitue, dans ce contexte de régression de la liberté d'expression, une fausse nouvelle. Il n'en restait pas grand-chose. M. H. [email protected]