Depuis la promulgation du texte portant concorde civile et à ce jour, les pouvoirs publics n'ont toujours pas tranché sur le sort réservé à la garde communale. Ces “chnabet”, version années 1990, engagées aux premières lignes du combat et en charge de la sécurisation des contrées les plus enclavés, sont toujours en quête d'un statut à la hauteur de leurs sacrifices. Tantôt on parle de leur rattachement aux collectivités locales, sous forme de police territoriale, tantôt on évoque leur passage organique sous la coupe soit de l'ANP, soit de la DGSN. Corps supplétif, créé au début des années 1990 dans le cadre de la lutte antiterroriste, la garde communale n'a pas cessé de payer lourdement le prix de son engagement aux côtés des autres services de sécurité dans la lutte antiterroriste. Avant-hier encore, deux membres de ce corps, toujours en quête d'un statut, rattachés aux cantonnements de Aïn Abid et de Zighoud-Youcef dans la wilaya de Constantine, sont tombés au champ d'honneur sous les balles assassines des hordes terroristes. Le jeune garde communal de Aïn Abid a laissé deux enfants en bas âge et une femme enceinte. Son enfant qui ne le connaîtra pas ne comprendra jamais que son papa fut victime de… simples égarés. Il ne comprendra pas que son papa, sans statut à la hauteur du sacrifice, fut assassiné alors qu'il était aux avant-postes de la lutte contre l'ennemi numéro un de la République, le terrorisme. Avec les Patriotes, la garde communale a été l'instrument par lequel l'Etat a réinvesti des territoires passés sous contrôle total des MIA, AIS et autres GIA. Ils furent, tout en gardant le statut de supplétif, dans toutes les opérations de ratissage déclenchées par les forces combinées. Ils sont dans tous les barrages dressés par les deux corps de la police et de la gendarmerie. Ils sont dans chaque douar en train de veiller sur la quiétude des villageois. Avec un langage plus “initié”, ils sont, malgré eux et sans être formés pour cela, le fer de lance de la politique de proximité si importante dans la lutte antiterroriste. En effet, quand on parle de la place du renseignement dans la lutte antiterroriste, c'est surtout de l'action de proximité qu'il s'agit. Dans les plans de combat, ils sont les éclaireurs dans des mechtas qu'ils connaissent coin par coin. C'est pour cette raison que la garde communale a toujours été ciblée par les terroristes. On se souvient encore des 14 gardes du cantonnement de Ouled Mansour dans la wilaya de Skikda, assassinés froidement et à bout portant par des terroristes qui les attendaient au tournant d'un virage. Sans moyens, pour ne pas dire démunis, ils utilisaient un J5 de transport public, comme le reste des villageois, pour se déplacer. Ils furent victimes des terroristes, certes, mais aussi de la précarité de leur situation. Sur un autre registre, la garde communale, qui a été constituée dans une période propice à tous les dérapages pour des considérations de terrain, a été aussi au cœur de plusieurs scandales. Il y a celui des 21 éléments du cantonnement de Oum Toub qui ont fui leur baraque de fortune en 2002 face à un assaut terroriste. L'affaire est toujours pendante devant les tribunaux. Il y a celle de la garde communale de la wilaya de Annaba où il est question de mauvaise gestion. Elle aussi est devant les juges. Enfin, il y a aussi celles de dizaines d'éléments ayant versé carrément dans le banditisme. Cela n'empêche pas d'admettre qu'“El Harras El-Baladi”, a été et est à l'avant-garde de la lutte antiterroriste. L'heure est venue de lui donner un statut en reconnaissance aux sacrifices consentis par ses hommes, en hommage à la mémoire de ses martyrs et pour mettre ses hommes à l'abri des tentations. Mohamed Ben Messaoud