La presse mondiale célèbre aujourd'hui sa journée — conventionnelle — de liberté. La liberté, de son côté, fête un anniversaire usuel, un mode d'expression, arbitraire d'apparence, mais intellectuellement bien balisé. Bien balisé par son esprit d'éthique et son âme déontologique qui font participer à l'événement, tout aussi arbitrairement, la société du monde dans son ensemble. Cette journée, une date parmi d'autres, autorise le débat. Plus que jamais. Le débat, dans le monde développé, sur les limites de la liberté de la presse, de ses contours, ses facéties incorrigibles et ses exactions ; le débat sur la préservation de la dignité humaine dans l'avalanche d'informations permanentes déversées par les médias, de plus en plus enclins au délire, au défoulement ; le débat sur la nécessaire objectivité des news, sur le caractère sacré de cette liberté souvent reprise en main par les pouvoirs politiques dans les moments décisifs. La récente édition de la guerre du Golfe, agression militaire caractérisée, renseigne sur le degré d'émancipation de la presse, y compris, et justement d'ailleurs, dans les pays, berceau de la démocratie, de la civilisation. Le débat, en Algérie, à propos de l'indispensable libération médiatique, de l'incontournable libéralisation du champ de l'information et de la communication. La brèche ouverte en octobre 1988, à l'origine du pluralisme extraordinaire de “nos temps modernes”, n'a en réalité pas totalement affranchi l'imaginaire institutionnel. Les acquis sont remis en cause par le retour, dans une sorte de “passé du futur”, de la décision politique, voire de la pratique politique. Il est, à l'aube de ce troisième millénaire, visiblement aussi incertain que ses prédécesseurs, plus question de bâillonnement que de volonté d'ouverture. La presse privée, motif de fierté à l'étranger, fait face continuellement au désir — politique — d'endiguement. Le département de la Communication, fidèle à sa ligne de conduite, revient à la charge à travers une loi dite organique destinée à réguler l'exercice de la profession. Mais dans l'histoire on feint d'ignorer que celle-ci est avant tout une question de… métier. Les professionnels ont besoin d'une réforme totale, à commencer bien sûr par les médias les plus influents. Ces médias, propriété de l'Etat algérien, donc du peuple algérien, sont détenus, gérés et orientés par les pouvoirs en place. Le secteur audiovisuel est maintenu, de manière autoritaire, dans l'ère moyenâgeuse de l'information. La presse écrite publique est, quant à elle, maintenue sous perfusion. Cela dénote l'incapacité de nos responsables politiques à assumer la transition. Et cela prouve que l'Etat peut certainement commencer par nettoyer devant “sa” porte avant de prétendre corriger le secteur privé. Le débat a besoin cependant de se pencher, avec attention et précaution, sur la presse privée. A la phase actuelle de l'histoire du pays, elle paraît être le seul espoir démocratique des Algériens. Sa crédibilité, remise en cause de temps à autre, semble bien plus puissante que le pouvoir audiovisuel du régime. S'il est donc vrai que le journalisme est surtout une question de métier, il appartient assurément à ses disciples d'en améliorer la pratique. D'améliorer la qualité, l'objectivité, le crédit. Pour cela, les règles de fonctionnement devraient évoluer, les éditeurs en sont interpellés. On se souviendra, au-delà de la célébration, des martyrs de la liberté de la presse. Comme d'autres Algériens, ils sont morts, assassinés par les ennemis de la démocratie. L. B. LIBERTE publiera demain un dossier complet sur la liberté d'expression en Algérie à l'occasion de la Journée internationale de la presse.