L'hébergement et la bourse des étudiants des écoles des beaux-arts, particulièrement celle d'Azazga, dans la wilaya de Tizi Ouzou, sont devenus les principaux soucis de nos futurs artistes. Pourtant, dans certains autres établissements, selon un étudiant de cette école, “ils perçoivent leurs bourses régulièrement”. Un autre s'offusque : “On nous renvoie, nous de l'école d'Azazga, de jour en jour et d'année en année malgré le dépôt depuis longtemps de nos dossiers à l'administration”. Créées par décret exécutif en août 1998, les écoles régionales des beaux-arts sont de nos jours loin de connaître une réelle prise en charge, notamment en ce qui concerne la scolarité des étudiants qui ne cessent, depuis des années, de réclamer quelque amélioration à leur cadre de vie. Généralement, ils se heurtent à des problèmes touchant directement à leurs conditions de vie et de scolarité au sein de ces établissements. Si l'on s'intéresse aux structures, aux conditions d'accueil et aux fonds pédagogiques, l'on aura l'impression que ces écoles sont créées sans étude ni prévisions préalables, autrement dit juste pour la galerie, tant elles présentent si peu d'importance aux yeux du ministère de la Culture dont elles dépendent. À l'origine, ces établissements sont pourtant destinés à développer les dons artistiques en prenant en charge le côté technique et la formation des jeunes artistes plasticiens en Algérie. Une entreprise louable en soi mais qui laisse fort à désirer sur le terrain. Des jeunes, souhaitant développer leurs capacités en ce domaine et s'orientant résolument vers une vocation créative, se trouvent vite découragés. Certains abandonnent après plusieurs années de prétendues études, le cœur gros et déçus. Ces situations, souvent kafkaïennes poussent certains étudiants à les soumettre au plus haut niveau de la hiérarchie. C'est dire que la sourde oreille règne en haut lieu. Le cas de l'école d'Azazga en dit long, ou celle de la ville natale de Mostefa Benboulaïd, Batna, où des élèves sont suspendus de cours au mépris du droit pour avoir demandé des conditions plus adéquates à même de pouvoir suivre leur pratique de prédilection. Il n'est pas exclu que ce serait le même cas à Mostaganem ou à Constantine. Les responsables au plus haut niveau de l'Etat daigneraient-ils à prêter l'oreille lorsque la crise éclatera, souvent de manière tragique, avant de retomber dans la léthargie, en attendant la future… explosion. Dans une requête adressée au ministère de la Culture, en mai 2005, les étudiants des beaux-arts d'Azazga écrivaient : “La meilleure pédagogie du monde ne peut être efficace si les conditions que vivent les étudiants se dégradent au point de ne pouvoir en suivre l'enseignement”. À ce jour le problème persiste. Des élèves d'autres établissements, particulièrement ceux de l'école de Batna, que nous avons rencontrés il y a quelques jours, n'ont pas hésité à afficher leur ras-le-bol de cette situation frappant impunément leur établissement. “Comme cette contrée est éloignée de la capitale, les oreilles deviennent encore plus sourdes… Qui peut bien entendre nos cris d'aussi loin ?” s'est interrogé avec ironie un de nos interlocuteurs. D'après le jeune Mehira, un autre étudiant, “ces écoles doivent être dotées d'internat, car c'est la seule façon de créer un espace de travail adéquat pour les étudiants…” À signaler que ces jeunes étudiants, qui ont rendu visite au bureau de Liberté à Tizi Ouzou, sont radiés depuis une année de leur établissement pour avoir osé “dénoncer le manque de moyens, les conditions scolaires insupportables et l'absence d'hébergement”, ont-ils expliqué. Et d”ajouter : il leur a même été “interdit de créer un comité d'étudiants pour réclamer nos droits !” L'Algérie compte cinq écoles régionales des beaux-arts, mentionnées dans le Journal officiel. Celles-ci souffrent toutes des mêmes problèmes en général, notamment l'absence d'internat dont les retombées négatives touchent directement les étudiants, réduits à crécher dehors, quelquefois à la belle étoile, sachant qu'ils viennent souvent de très loin. Les filles sont les plus exposées dans ce contexte. Les directeurs de ces écoles invoquent le “vide juridique” s'agissant des structures d'hébergement. Les différents témoignages que nous avons eus restent pour le moins inédits, puisque des étudiants ont habité un poulailler quand d'autres louent des garages à 6 000 DA par mois ! Des témoignages qui reflètent des situations dramatiques subies par de jeunes artistes en 2007 ! Partant de ce constat, ces derniers entrevoient une forme de “volonté qui s'ingénie à nous faire souffrir”, comme si la souffrance devait faire partie de leur formation, comme si elle devait éclabousser la toile pour témoigner de leur originalité, aiguillonner leur imagination et attester de leur capacité à peindre la misère en couleurs ! K. TIGHILT