Le cocorico de Sarkozy au sujet de sa future base navale à Abou-Dahbi ne fait pas illusion chez les Arabes. Un complexe militaire de 500 hommes des trois armées en 2009, aux portes du détroit d'Ormuz, par où transite 40% du pétrole mondial, ne pouvait pas voir le jour sans l'aval des Etats-Unis. Le poids de Washington dans cette région reste écrasant : Bahreïn accueille l'état-major de la Ve flotte, le Qatar le QG du Central Command et le centre d'opérations aériennes (CAOC) d'où sont gérés tous les avions alliés qui bombardent en Irak et en Afghanistan, et le Koweït de gigantesques bases terrestres. Sans compter des facilités aériennes aux Emirats et à Oman. Au Qatar, où sont stationnés 5 000 soldats américains sur l'énorme base d'El-Oudeïd. Politiquement, la décision n'aurait jamais été prise sans la posture pro-américaine de Sarkozy sur l'Iran. En cas de conflit, comme menace Bush, la France se trouvera, ipso facto, impliquée dans la guerre. La France franchit clairement un seuil géopolitique. Certes, cela fait bien longtemps que des corvettes françaises croisent dans le Golfe, relâchant dans les différentes monarchies littorales, des avions français, participent régulièrement à des exercices militaires et des instructeurs français forment pilotes d'hélicoptère émiratis et gendarmes qataris et bien d'autres spécialistes, mais la présence française était découplée de la politique américaine. Ce n'est plus le cas depuis que Sarkozy est aux affaires. À Paris, on tente de cacher l'alignement sur Washington en précisant que cette base découle d'une “demande” des Emiratis, qui ne veulent plus rester enfermés dans un face-à-face avec les Etats-Unis au demeurant, souligne une source française, “mal perçu par leurs populations” ! Les monarchies du Golfe ont toujours acheté des armements français, des avions Mirage et des chars Leclerc, mais en quantités insignifiantes par rapport aux équipements made in USA. Le nouveau fleuron français, le Rafale, n'a pas trouvé preneurs dans ces pays. Maintenant que Bush a donné son feu vert, les carnets de commandes seront plus garnis pour les marchands de canons français. Le fait que Sarkozy ait suivi en même temps et à la trace, le périple dans le Golfe de son homologue américain, est en soi tout un symbole sur la symbiose qui s'est établie entre la Maison-Blanche et l'Elysée. Sarkozy a donné l'occasion aux Etats-Unis de ne plus être décriés comme la puissance impériale dans la région. D. B.