Le président français a de quoi pavoiser en ce moment où chez lui sa côte de popularité tire vers le bas. Sarkozy peut entonner le “cocorico” tricolore : il est dans la cour de l'empire américain. Au cœur d'une région jusqu'ici chasse gardée de Washington. Avec l'inauguration de première base militaire française dans un pays arabe. Son grand coup : installer ses militaires à côté de la plus grande base américaine au moyen et Proche-Orient. Abu Dhabi est au carrefour des grandes questions qui agitent le monde d'aujourd'hui : le conflit israélo-palestinien, la bombe nucléaire iranienne, le pétrole et ses enjeux, enfin, en filigrane, la nouvelle géostratégie asiatique avec la montée des périls au Pakistan, le retour de la menace talibane dans le pays voisin, l'Afghanistan, et, le réveil de l'“ours” russe. Avec la création de cette base aux Emirats, séparés de l'Iran par le détroit d'Ormuz qui voit passer environ 40% du commerce mondial de pétrole, la France entend “participer pleinement” à la stabilité de cette région essentielle pour l'équilibre du monde, a expliqué Sarkozy avant de rejoindre aujourd'hui Abu Dahbi. Cette nouvelle base, annoncée en janvier 2008 lors de la dernière visite du chef de l'Etat français aux Emirats, a été baptisée “le camp de la paix”. Elle sera fait constituée d'une base navale dans le port d'Abu Dahbi, d'une présence de l'armée de l'air française sur la base émiratie d'Al-Dhafra et d'un camp d'entraînement de l'armée de terre. Cette base sera connectée à celle implantée dans le cadre de la Françafrique à Djibouti. Sarkozy tentera lors de l'inauguration de la base de vendre le fameux avion de combat Rafale de Dassault, un bijou de technologies high-tech mais qui n'a toujours pas trouvé preneur ! Le président français est accompagné par tout le gratin des entreprises d'armement françaises, dont les Emirats sont un gros client. Une démonstration en vol est prévue, avec la venue de trois de ces avions d'Afghanistan où ils sont opérationnels. Sarkozy souhaite placer 60 Rafale pour un montant total de l'ordre de huit milliards d'euros. Par ailleurs, la visite du président français intervient à un moment très important pour l'économie française asphyxiée par la crise mondiale. Des négociations sont en cours entre les deux pays pour la construction de 16 centrales nucléaires. Un projet qui intéresse Total, Suez et Areva. Les Emiratis, qui disposent de près de 100 milliards de barils de pétrole de réserve, préfèrent exporter leurs hydrocarbures que de les utiliser et ont besoin d'une autre source d'énergie pour produire de l'électricité ou pour dessaler l'eau de mer qu'ils consomment. Sarkozy compte sur la diligence du prince héritier avec lequel les relations sont “excellentes”. Le prince s'est toujours démené pour propulser Sarkozy sous les feux de la rampe. C'est grâce à lui que l'Elysée fut, par exemple, le lieu de la normalisation syro-libanaise. Abu Dahbi est le pays le plus francophone dans la région. La coopération culturelle entre les deux pays est unique avec les projets de Louvre et de la Sorbonne à Abu Dahbi. Cela dit, sans l'accord des Etats-Unis, rien de cela ne sera arrivé. Quand bien même Abu Dahbi essaye de faire bonne figure, les Etats-Unis sont en quelque sorte chez eux avec la plus grande base militaire qui sert de base d'appui et de relais pour leurs troupes en Irak et en Afghanistan. En outre, si Sarkozy n'avait pas montré patte blanche, jamais Washington ne l'aurait laissé s'introduire dans Abu Dahbi. La France de Sarkozy n'a-t-elle pas rejoint le commandement de l'Otan ce début d'année ? Le Pentagone n'a plus à douter ni à se méfier de la France atlantiste.