Invité de l'émission Forum de la Chaîne II de la Radio nationale, le ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, M. Bouabdallah Ghoulamallah, n'a pas hésité jeudi à charger le directeur de l'école primaire de Aït-Bouadou, dans la daïra des Ouadhias (Tizi Ouzou), suspendu en décembre dernier par le ministère de l'Education. À cette occasion, le ministre, répondant à une question sur des informations confirmées faisant état de prétendue campagne d'évangélisation à travers le pays, a salué la décision du ministère de l'Education relative à “la suspension du directeur d'une école pour incitation au christianisme et non-respect du programme scolaire”. Il a également réitéré “l'attachement des jeunes Algériens à leur religion, notamment en milieu estudiantin en dépit des tentatives de certaines parties chrétiennes d'exploiter les conditions sociales difficiles de ces jeunes”. L'affaire du directeur de cette école primaire de Aït-Bouadou remonte à décembre dernier. La Direction de l'éducation de la wilaya de Tizi Ouzou avait pris la décision de le révoquer parce qu'il aurait mis l'établissement, dont il a la responsabilité, au service d'une campagne d'évangélisation. Selon des sources au fait du dossier, une vidéo montrant le directeur en question aurait été remise à qui de droit, alors que le concerné a nié catégoriquement les faits qui lui sont reprochés. Sur ce même très sensible sujet d'évangélisation dans certaines localités de la wilaya de Tizi Ouzou, cinq autres personnes ont été traduites récemment devant le tribunal de Tizi Ouzou. La population locale, qui connaît mieux la réalité du terrain, ne s'en offusque guère et ne voit dans cet événement qu'une espèce de cas isolé mais, toutefois, ces poursuites marquent, il est clair, le début de l'application de la loi relative à la réglementation de l'exercice du culte et des lieux de culte. Un début qui sera suivi incessamment, affirment des sources proches de l'administration, par la fermeture de tous les lieux de culte non autorisés à travers tout le territoire de cette wilaya. Pour les reconvertis en des religions autres que l'islam, cette décision s'inscrit en porte-à-faux avec la Constitution algérienne qui garantit la liberté de culte, mais pour l'administration, il est question de fermer des lieux de culte non autorisés, donc non contrôlés, et qui peuvent représenter un danger pour la société. Au sujet de ces lieux de culte susceptibles d'être fermés, certaines questions s'imposent de fait. Combien sont-ils dans toute la wilaya de Tizi Ouzou ? Qui sont-ils ? Et le nombre de citoyens qui les fréquentent dans la région sont-ils aussi nombreux au point de pouvoir dire que “la Kabylie est en proie à une campagne massive d'évangélisation ?” comme certaines voix tentent de la faire croire depuis quelques années déjà, et avec une insistance de plus en plus accrue ces derniers mois. Au point même que ce sujet a soulevé une vive polémique. Il est, en effet, vrai que dans certains villages de Haute-Kabyle, certains locaux sont effectivement transformés de façon informelle, plutôt clandestine, en lieux de culte par quelques protestants, mais leur nombre est souvent réduit au point que, dans ces villages mêmes, où la tradition veut que tout le monde connaît tout le monde, la population locale, qui reste fortement attachée à la religion musulmane, ne s'en aperçoit presque pas. Les deux églises protestantes les plus connues, et ce sont probablement celles qui seront ciblées par la fermeture, sont celles des Ouadhias et de la Nouvelle-Ville de Tizi Ouzou qui enregistre une affluence, mais dont le nombre ne dépasse guère le seuil de la porte. À Tizi Ouzou, “on ne fête pas Noël et l'on ne se bouscule pas au portillon des églises le dimanche”, diront de nombreux citoyens interrogés sur cette question. “Tout le monde dans cette région est choqué lorsque, de temps en temps, certains journaux tirent la sonnette d'alarme en rapportant les bruits qui font croire à l'opinion nationale que la Kabylie est devenue chrétienne”, dira un jeune à l'allure pourtant très occidentale. Le ministre des Affaires religieuses semble oublier que le plus grand nombre de mosquées se trouve en Kabylie. Samir Leslous