Les rebelles tchadiens se sont emparés, hier, de la capitale tchadienne, N'Djamena, après des combats entre forces gouvernementales et rebelles qui se sont déroulés aux abords de la présidence de la République. Le sort du président Idriss Deby était encore inconnu, il se trouvait toujours dans son bureau. Toute la ville est entre les mains des rebelles, et il n'y avait plus que des combats. Selon des témoins, dans certains quartiers, la population aurait accueilli par des cris de joie les rebelles qui circulent dans la capital dans des 4x4 camouflés, vêtus de treillis vert olive et portant des brassards noirs. Des pillages ont été constatés dès leur arrivée dans la ville, selon des responsables de sécurité d'organisme internationaux, et une colonne de fumée noire s'élevait dans le secteur de la présidence sans que l'on sache son origine. D'autres témoins affirment que la maison d'arrêt de N'Djamena a été investie et que tous les prisonniers libérés. Des tirs sporadiques d'armes lourdes ont été entendus dans le centre-ville. Après avoir avancé pendant cinq jours sur plus de 700 km sans rencontrer de résistance, l'alliance des trois principales rébellions tchadiennes a trouvé, vendredi, sur sa route, les forces gouvernementales dans la zone de Massaguet, à 50 km à vol d'oiseau de N'Djamena, sur l'axe reliant l'est du Tchad à la capitale. De violents affrontements, qui ont duré une heure, ont éclaté dans la matinée. Le même scénario s'est reproduit l'après-midi. Les informations en provenance du front sont contradictoires, et les deux camps se livrent à une “guerre des communiqués”. En revanche, des sources militaires tchadiennes ont reconnu que la “bataille de Massaguet avait été très violente” et que “l'armée n'avait pas réussi à s'imposer”. Une source militaire à N'Djamena a expliqué que le président Idriss Deby, arrivé au pouvoir par la force en 1990 et qui participe souvent aux combats en première ligne, était “vraisemblablement sur place au front”, avant de regagner la capitale. Le Tchad avait informé l'ONU de son intention d'user de son droit à l'autodéfense face à “l'agression orchestrée (...) Par le Soudan”, y compris en poursuivant les agresseurs en territoire soudanais. Le président nouvellement élu de la commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, s'est déclaré “très inquiet” de la situation au Tchad et a rappelé que l'UA n'acceptait pas “de changements de gouvernement anticonstitutionnels”. “La situation au Tchad est un important sujet de préoccupation. Nous sommes très inquiets. Il y a déjà eu des résolutions de l'UA pour dire que l'UA n'acceptera plus de changements de gouvernement anticonstitutionnels parmi ses Etats membres”, a-t-il dit à des journalistes. Un des responsables de l'alliance des rebelles a affirmé, lors d'une conversation par téléphone satellitaire, que la rébellion respecterait “les normes internationales” concernant les étrangers. “Nous rassurons tous les expatriés. Nous respecterons toutes les normes internationales sur la protection des étrangers français et autres”, a dit Abakar Tollimi. Ce coup de force pour le pouvoir n'est pas le premier dans l'histoire du pays, l'actuel président a eu recours aux armes pour arriver au pouvoir en 1990, en chassant l'ex-président Hissène Habré, réélu en 2006, son régime a été menacé a plusieurs reprises par des offensives rebelles. Cette dernière offensive rebelle, la plus importante des dernières années, coïncide avec le lancement d'une force européenne (Eufor) censée venir protéger les réfugiés soudanais du Darfour voisin, ainsi que les déplacés tchadiens et centrafricains, dans l'est du Tchad et le nord-est de la Centrafrique. Vendredi, toutefois, l'envoi d'une soixantaine de soldats autrichiens et irlandais a été repoussé en raison de l'instabilité du pays. L'évacuation par avion à destination de la France des ressortissants étrangers, regroupés dans plusieurs sites sécurisés par l'armée française, a commencé, ont indiqué certaines sources. Quelque 1 500 Français résidents dans le pays, dont 85% à N'Djamena. Cela étant, Paris, qui avait fait preuve lors du coup d'Etat d'Idriss Deby en 1990, de “neutralité positive” en refusant de s'ingérer, s'est contentée hier de condamner “fermement la tentative de prise du pouvoir par la force” au Tchad “par des groupes armés venus de l'extérieur”, a déclaré hier le ministère français des Affaires étrangères. DJAZIA SAFTA/AGENCES