Les huit candidats à la présidentielle iranienne ont jeté leurs ultimes forces dans la bataille, hier, dernier jour de campagne avant l'élection de demain, dont l'issue est si incertaine qu'elle pourrait pour la première fois se décider en deux tours. Akbar Hachémi Rafsandjani reste le favori. Mais ceux qui passent pour ses principaux concurrents, l'ultra conservateur Mohamad Baqer Qalibaf et le réformateur Mostafa Moïn se sont démenés jusqu'au bout pour le pousser dans un historique second tour où tout peut arriver. Dans les huit précédentes présidentielles, l'affaire était entendue au premier tour. M. Rafsandjani lui-même a ainsi été élu en 1989 avec 94,52% et réélu en 1993 avec 62,91% des voix. En 2005, ce conservateur, au plus près du pouvoir pendant toute l'histoire de la République islamique, arrive en tête des sondages, fort de la réputation qui lui est faite d'habileté, de pragmatisme et d'expérience, susceptibles de réconcilier l'Iran avec l'Occident et de résoudre les graves problèmes économiques du pays. Mais ni lui ni aucun autre ne recueillerait la majorité absolue dès demain, selon les sondages. Les enquêtes d'opinion iraniennes sont très sujettes à caution. Selon une projection réalisée à partir de plusieurs sondages par un institut plus fiable que les autres, Ispa, entre 24% et 28% des quelque 48 millions d'électeurs voteraient pour M. Rafsandjani, entre 14% et 16% pour M. Qalibaf et entre 12% et 15% pour M. Moïn. “Il y aura un second tour car aucun candidat n'obtiendra la majorité absolue”, selon Ispa. Selon le dernier de ces sondages, en cas de second tour entre MM. Rafsandjani et Moïn, le premier l'emporterait avec 41,4% contre 28,4%. Si M. Rafsandjani était opposé à M. Qalibaf, il ne gagnerait plus que par 36% contre 35,1%. Les analystes conviennent, cependant, que même une élection en un tour n'est pas à exclure. Les Iraniens sont réputés ne pas déclarer de bon gré leurs intentions de vote aux sondeurs. L'électorat peut déjouer tous les pronostics. La dernière enquête d'Ispa annonce 21,3% d'indécis. MM. Qalibaf et Moïn parmi d'autres ont mobilisé tous les moyens pour forcer le destin au terme d'une campagne qui fut sans doute la plus animée, sinon la plus occidentalisée jamais connue en République islamique. “Au dernier jour, les intellectuels soutenant Moïn tiennent des réunions en cent points du pays”, dit Eqbal, le journal des réformateurs. Des activistes, des journalistes devaient se répartir sur vingt grandes places de Téhéran pour emporter la conviction des déçus de la réforme. M. Qalibaf, ancien commandant de la police, a décidé de mener campagne dans son fief autour de Machhad. Le danger pour lui vient de la division. Il est en compétition avec trois autres ultra conservateurs. Tous les efforts menés pour s'entendre sur une candidature unique sont restés vains. Pourtant, le camp ultra cumulerait plus de 30% des intentions de vote. M. Rafsandjani, quant à lui, ne s'est pas déplacé en province. Il a beaucoup reçu, réunissant à chaque fois quelques dizaines de personnes représentatives, selon son état-major, des “forces vives” de la nation. Il s'est beaucoup montré dans les médias iraniens et étrangers, cultivant l'image d'un modéré proche du citoyen ordinaire, des jeunes, des femmes. Une réunion de femmes était d'ailleurs prévue dans l'après-midi à Téhéran pour promouvoir sa candidature. Il a aussi imposé dans la campagne la question taboue des relations avec les Etats-Unis.