Les islamoconservateurs de l'AKP, parti islamiste au pouvoir en Turquie, ont voté leur loi autorisant le port du voile dans les universités publiques. La mesure divise la Turquie et le président de la République, un islamiste également, a promis de tenir compte de la situation engendrée par cet amendement à la Constitution laïque du pays. Après la première étape du Parlement et une modification du texte régissant le Conseil de l'enseignement supérieur pour dégager la voie du foulard dans les universités, il faudra encore probablement passer l'obstacle de la Cour constitutionnelle pour boucler le parcours législatif de cette réforme. Ces derniers jours, Abdullah Gùl, le président de la République, a multiplié les déclarations apaisantes pour tenter de convaincre de son attachement à la laïcité. Elu après maints obstacles et plusieurs tours, car refusé par l'armée notamment, “gardienne” de l'héritage d'Atatürk, le père le la Turquie moderne, Gùl devait in fine se résoudre à s'engager fermement à respecter la laïcité. En outre, la veille de l'élection de l'amendement et depuis, des dizaines de milliers d'opposants au foulard ont renoué avec les méga manifestations d'avril dernier contre l'épouse voilée du futur président autour d'un symbole de la Turquie laïque, le mausolée de Mustafa Kemal Atatürk, à Ankara. Magistrats, recteurs, professeurs des corps traditionnellement kémalistes ont également fait entendre leurs voix, les universitaires menacent même de refuser de donner leurs cours si le voile entre dans les salles de classe ! Le chef du gouvernement, patron de l'AKP, a justifié la mesure par la nécessité de s'aligner sur les standards démocratiques de l'UE. Mais ses opposants lui reprochent de ne s'attacher qu'au futile alors qu'il a renvoyé aux calendes grecs la refonte de l'article 301 du code pénal, un texte attentatoire à la liberté d'expression, dans le collimateur de la Commission européenne qui examine le dossier de l'entrée de la Turquie dans le système européen. Il reste que la question du foulard à l'université est un vrai casse-tête pour les laïcs turcs eux-mêmes car les nombreuses filles qui le portent sont exclues des études supérieures dans leur propre pays. Les plus riches s'exilent vers des universités étrangères de la région ou aux Amériques et en Europe, quant aux pauvres, elles n'ont pas droit au savoir supérieur. D. B.