Il n'y a pas de vie plus simple, il n'y en a pas de plus honorable que celle de “ces grands hommes, qui ne sont pas grands, parce qu'ils rapetissent les autres, ils le sont parce qu'ils les rehaussent”, qui se dévouent à la tâche qu'ils se sont imposée, surtout quand leur ambition est un continuel concours de leurs efforts au progrès de leur patrie. Le professeur Moubarak Amazouz, la belle plume, l'excellent pédagogue, le redoutable polémiste, l'ami que nous perdons et auquel nous venons de dire un dernier adieu à El Alia, a été directeur général de l'ex-Sned et plusieurs fois conseiller de ministres avant de revenir à l'enseignement, au début des années 1980. C'est ainsi que, comme le sable qui s'écroule après avoir été péniblement amassé, nos ambitions s'évanouissent au moindre souffle : une maladie, à l'origine bénigne, a suffi pour mettre à néant cette vie de labeur et d'honnêteté intellectuelle qui avait mérité à Moubarak Amazouz les sympathies et l'affection de ses amis Zouhir Ihadadden, Abderrahmane Benhamida, Hachem Malek, Mohamed Ould El Bachir, Mme veuve Bouayad et les autres. L'homme que j'ai connu au lycée Emir-Abdelkader n'était pas quelqu'un de vulgaire. Entré de bonne heure dans le giron des médersiens, il s'était préparé à l'histoire, à la littérature, à la philologie, à l'étude des civilisations, par de fortes études ; il m'apportait, au début de ma carrière, une formidable leçon d'épistémologie et de précision. Combien de fois, au cours de nos nombreuses discussions au café CCA, avons-nous entendu Moubarak Amazouz prononcer cette phrase qui illustre sa modestie et son sens des hommes et qui fut, malheureusement, la dernière que j'ai relevée avant son hospitalisation : “Nous sommes simplement à l'écoute des autres. Encore et toujours.” Avec lui, et durant vingt-trois années, les relations étaient sûres, toujours agréables et profitables, et plus d'un de nos amis eurent raison de tenir compte de ses excellents conseils. Quelques jours avant sa mort, notre ami Si Abderrahmane Benhamida est venu lui rendre visite. Pour la première fois, Moubarak Amazouz lui avoua que le compte à rebours a commencé. “Tu sais, Si Abderrahmane, tu es plus jeune que nous, nous te faisons confiance pour la suite”, lui a-t-il dit, les yeux larmoyants. Pour ma part, je peux témoigner que jamais, je n'ai vu Moubarak Amazouz se plaindre ou pleurer, car il avait la retenue des grands hommes. Même s'il lui arrivait parfois de pleurer, c'était toujours sans larmes. Nous le regretterons tous comme un modèle de franchise et de loyale affabilité. Adieu, cher Professeur. Dr M. M.