Selon lui, “la séparation entre l'Etat et le parti est la seule voie qui évitera au pays la crise”. Ali Benflis vient d'opérer une révolution dans les mœurs politiques algériennes. Il a refusé, en effet, publiquement et en prenant à témoin l'opinion nationale, de voir son parti, le FLN, servir de soutien aux ambitions électoralistes des castes. “En 2004, le FLN ne sera pas un parti alibi”, a-t-il martelé, hier, sur un ton des plus incisifs devant la presse nationale venue à grand renfort couvrir la conférence de presse qu'il a animée au siège de son parti à Alger (Hydra) au lendemain de son limogeage de son poste de Chef de gouvernement. Il a expliqué, à cet égard, que c'est cette prise de position tranchée qui lui a valu sa place au palais du gouvernement : “On me reproche, révèle-t-il, de ne pas avoir accepté de faire jouer au FLN le rôle de parti alibi et obéissant aux injonctions.” Se voulant plus précis, le leader de l'actuel parti majoritaire dans les institutions de l'Etat, plus que jamais en position de force, puisque affranchi du devoir de réserve que lui imposait sa fonction de chef de l'Exécutif, a révélé que c'est le directeur de cabinet du président de la République, Larbi Belkheir en personne, qui lui a demandé de se mettre et de mettre le FLN au service des ambitions électorales de Abdelaziz Bouteflika. “Je ne voix aucune justification à mon limogeage si ce n'est la perspective de la présidentielle 2004”, lancera-t-il. Jamais, au grand jamais, en effet, un de ses prédécesseurs aux commandes du plus vieux parti d'Algérie n'a osé dévier de la sacro-sainte règle qui consistait à livrer le FLN, armes et bagages, aux services des intérêts des tenants du pouvoir qui l'ont utilisé systématiquement pour imposer leur choix à la société. “On se réclame de la véritable démocratie, de la libre expression et on refuse d'être le parti unique”, tranchera-t-il, serein et ferme, tout en soulignant que “la séparation entre l'Etat et le parti est la seule voie qui évitera au pays la crise”. Il soutiendra, dur comme fer, en outre, que les partis politiques “doivent jouer pleinement leur rôle et doivent être en mesure de proposer un projet de société pour l'Algérie”. Le président de la République, qui, en limogeant son Premier ministre, pensait le laminer et diminuer de son aura auprès du FLN, a tout l'air d'avoir raté son coup. M. Benflis semble sortir plus solide de l'épreuve de son limogeage. En témoigne d'ailleurs l'accueil qui lui a été réservé par les militants de son parti dans la soirée qui a suivi son limogeage, lundi. Son arrivée au siège du FLN à Hydra a été fortement ovationnée et accueillie par des scènes de joie et de liesse. A telle enseigne que le secrétaire général du parti a dû improviser un meeting. “Je n'ai jamais été aussi à l'aise que je ne le suis en ce moment”, a-t-il lancé pour rassurer ses militants, tout en martelant que le “FLN n'est pas un parti à vendre et ne s'achètera pas ni en contrepartie de strapontins ni pour quoi que ce soit. Le FLN est un parti autonome et il le demeurera quand bien même il faudra en payer le prix”. “Soyez certain, leur dira-t-il, que vous avez un secrétaire général en béton. On participera à la construction de la démocratie dans notre pays et je sillonnerai le pays pour défendre ces principes”. En filigrane, c'est tout simplement à une confrontation directe en 2004 que M. Benflis semble inviter celui qui vient de mettre fin à ses fonctions gouvernementales. Même si, hier, lors de la conférence de presse, il a déclaré en réponse à une question vis-à-vis de cette échéance qu'il restait “un militant discipliné” et respectueux des décisions que son parti prendra à la lumière de son congrès extraordinaire. N. M.