Commencée vers 9 heures hier matin, la tournée du chef de l'Etat dans la capitale n'a duré en tout et pour tout que deux heures. Six heures trente hier. Alger s'éveille. Les matinaux (ouvriers, petits fonctionnaires, étudiants) ont les mêmes gestes. Ils présent le pas, qui pour prendre le bus, siroter le premier café de la journée en tirant sur la deuxième cigarette ou oser s'engouffrer dans un taxi clandestin sacrifiant du coup quelques extras destinés à la famille. Hier, l'évènement était annoncé depuis quelques jours, quelques semaines même. L'inauguration par le président de la République de la plus grande usine de dessalement d'eau de mer d'Afrique. À l'aube, les points de passage empruntés par le cortège officiel sont préparés, vérifiés et revérifiés. Des policiers en faction, d'autres font les cent pas pendant que les paniers à salade arrivent au fur et à mesure dans chaque carrefour. Les consignes sont données de temps à autre comme pour rappeler que la vigilance n'est jamais de trop. À la station du Hamma qui attend l'arrivée du Président Bouteflika, le soleil n'a pas encore pointé ses premiers rayons. Policiers et gendarmes veillent au tri des véhicules. Nous exhibons le badge avant de franchir la grille. On nous oriente vers le bureau d'enregistrement pour la remise du laissez-passer. La station comme tous ses environs sont sous haute surveillance. La fouille au corps est une formalité. Obligatoire pour tout le monde. Il est 9h et une poignée de minutes quand on annonce l'arrivée du chef de l'Etat. Une course effrénée des gens de la presse. Caméras, appareils photo de toutes dimensions sont tout de suite mis à contribution pour immortaliser l'instant. Le protocole intervient pour orienter le Président dans une visite de l'usine. Immense sur une surface de 5 hectares et demi. Plusieurs minutes s'écoulent avant un autre branle-bas de combat. Accompagné de Noureddine Yazid Zerhouni, Chakib Khelil, Abdelmalek Sellal, Djamel Ould Abbès respectivement ministres de l'Intérieur, de l'Energie et des Mines, des Ressources en eau, de la Solidarité nationale, Bouteflika arrive dans la grande salle montée juste pour l'évènement. Les autorités civiles et militaires locales ainsi que plusieurs invités y ont déjà pris place. Un représentant du ministère des Ressources en eau fait le point sur la situation de l'alimentation en eau, indiquant les différentes régions du pays où sont implantées les stations d'épuration. Le DG de Hamma Water Dessalination (HWD), Georges El Haddad présente l'usine qui permettra, pendant vingt-cinq ans au moins, aux Algérois à oublier le calvaire des coupures d'eau. Le Président suit les exposés présentés sur Data-show sans poser la moindre question lui qui a le geste d'interrompre souvent son interlocuteur par des remarques sèches. Le protocole reprend du service en entourant le chef de l'Etat pour l'emmener vers une petite salle de collation. Dans son costume bleu gris, le Président est plus officiel que jamais. Sur le petit trajet, il susurre quelques mots tantôt à Zerhouni à sa droite, tantôt à Khelil à sa gauche. Pas l'ombre d'un sourire. Sellal fausse la compagnie à la délégation restreinte cette fois qui sera admise dans la petite salle. Même la presse est refoulée. Pas assez de place, fait-on savoir. 10h10, on prépare le passage de la délégation au centre de télécontrôle de Seal situé à Kouba. Ce dernier, permet de piloter les ouvrages clés du service de l'eau et de l'assainissement de la wilaya d'Alger. À terme, il gérera plus de 300 sites de production, stockage, distribution d'eau et près de 100 sites de collecte, relèvement et épuration des eaux usées. Le même topo. La circulation automobile est paralysée et ceux qui se sont aventurés à emprunter l'avenue de l'ALN ont eu à le regretter. Les automobilistes qui prennent leur mal en patience sont pour certains stoïques. “C'est vrai qu'on aura de l'eau H24?”, interroge Hamid. Son compagnon affiche un air sceptique et répond si c'est vrai, j'en suis personnellement ravi de l'apprendre. Tant pis si la capitale est bloquée. Et puis, c'est le président de la République, c'est normal. Par contre, il faut penser à loger les gens, du travail pour les jeunes”, c'est une autre histoire. Dans le quartier du Hamma et à Kouba le Président a fait une courte virée. Le test sécuritaire a fait ses bonnes preuves. De l'eau cet été, il en coulera sans cesse dans les robinets. Ali Farès