Profitant de sa présence à Alger pour participer à la 4e Rencontre des institutions nationales arabes des droits de l'Homme, Boutros Boutros-Ghali, ancien SG de l'ONU, a organisé jeudi passé une conférence de presse au siège du quotidien Echaâb. En près d'une heure et demie, l'ancien secrétaire général de l'ONU — janvier 1992 - décembre 1996 — a abordé plusieurs sujets. En sa qualité de président (depuis 5 ans) de la Commission nationale chargée de la promotion des droits de l'homme en Egypte, il a évidement parlé de ce sujet et de “l'urgence” de sa consolidation dans le monde arabe. C'était aussi l'occasion pour le diplomate égyptien de presque 86 ans (il les aura le 14 novembre prochain) de réaffirmer sa position à propos de la demande des Nations unies de constituer une commission d'enquête sur les attentats du 11 décembre à Alger perpétrés contre le siège des Nations unies à Hydra et le siège du Conseil constitutionnel à Ben Aknoun. “Un agissement illégal”, a-t-il déclaré en précisant que “l'accord du pays concerné est indispensable pour que cette institution puisse diligenter une enquête”. Il en a aussi profité pour épingler à plusieurs reprises l'organisation onusienne. En utilisant les termes d'“éviction” ou encore de “coup de pied” (en insinuant que ce sont les Américains qui en sont derrière), il a bien montré qu'il n'arrive toujours pas à digérer le non-renouvellement de son mandat à la fin de 1996. Concernant le Sahara occidental, il a été très clair sur sa propre “sentence” par rapport aux efforts (très controversés d'ailleurs) qu'il a déployés sur ce dossier lorsqu'il était à la tête de l'ONU : “J'avais échoué”, a-t-il affirmé. Comme pour la question palestinienne, il s'appuiera sur le temps pour espérer trouver une solution au conflit entre le Polisario et le Maroc : “Il faut attendre une autre génération (…). Il faut peut-être l'existence d'un médiateur.” Notons qu'il n'a pas paru très à l'aise sur ce sujet et il y a de quoi. Son côté “pro” royaume chérifien sur la question n'a pas été oublié ici. Aussi lorsqu'il a été interpellé sur le sujet de l'évangélisation “rampante” que subit le monde arabe, Boutros Boutros-Ghali semblait dans la gêne. Le copte qu'il est a sorti son attirail de formules diplomatiques pour répondre aux questions des journalistes : “Je fais confiance à la sagesse des autorités arabes”, s'est-il contenté de dire avant de sauter à d'autres “points”. Il a tout de même insisté sur le fait que les conflits n'ont pas seulement des origines religieuses mais surtout ethniques en prenant pour exemple ce qui s'est passé au Rwanda ou encore le conflit du Darfour. Par contre, le diplomate égyptien s'est beaucoup étalé, et avec une aisance bien remarquée, sur, entre autres, l'urgence de la promotion des droits de l'homme dans le monde arabe, la nécessité de suivre le rythme de la mondialisation, ou encore la question de la Palestine ou des accords de Camp David entre l'Egypte et Israël signés en 1978 (dont il est le principal instigateur en tant que ministre des Affaires étrangères). Il distillera d'ailleurs à l'assistance plusieurs anecdotes “croustillantes”. Cette rencontre avec la presse a été aussi une occasion pour Boutros Boutros-Ghali de répéter sa position sur la francophonie dont il est considéré dans son pays comme l'un des plus importants défenseurs : “J'avais même dit à Claude Cheysson (NDLR : ex-ministre des Affaires étrangères français) que l'Egypte voulait adhérer à la francophonie. Il a paru surpris mais je lui avais répondu : tu me comprends et je te comprends. C'était évident pour diminuer l'influence américaine en Egypte.” Il formulera le vœu que l'Algérie, à l'instar des autres pays arabes, s'ouvre encore plus “pour jouer un rôle prépondérant dans la mondialisation” en émettant le vœu de voir “demain” les nouvelles générations algériennes apprendre le chinois. Salim Koudil