Les organisations arabes et africaines de défense des droits de l'homme se rencontreront au mois de septembre en Egypte. M.Boutros Boutros-Ghali a animé jeudi à Alger une conférence de presse au siège du quotidien Echaâb. Il a fait un sévère constat de la pratique de la démocratie et des droits de l'homme dans le monde arabe. Le président du Conseil national égyptien des droits de l'homme et ancien secrétaire général de l'Organisation des Nations unies a estimé que «la culture de la démocratie et des droits de l'homme n'est pas encore ancrée dans les moeurs politiques du monde arabe». Et selon M.Boutros Boutros-Ghali, l'affaire est encore loin d'être dans le sac. Quels en seraient les obstacles? A en croire l'ex-secrétaire général de l'ONU, l'entreprise serait même irréalisable. Une des difficultés majeures se trouverait dans l'option choisie par la majorité des pays arabes durant les années 70: le modèle socialiste incompatible avec le concept de la démocratie. Un handicap de taille, si l'on en croit l'analyse développée par le président du Conseil national égyptien des droits de l'homme. M.Boutros Boutros-Ghali tire à boulets rouges sur les pays occidentaux, à l'instar des Etats-Unis. La superpuissance américaine foule aux pieds les droits de l'homme, dénonce-t-il. Une pratique du deux poids, deux mesures dans laquelle excelle l'administration américaine. Et pour bien illustrer cette ambivalence, M.Boutros Boutros-Ghali cite l'exemple de la prison de Guantanamo. Revenant à l'exercice et à la mission de défense des droits de l'homme ainsi qu'aux principes démocratiques dans le monde arabe, Boutros Boutros-Ghali y voit leur promotion avec beaucoup de pessimisme. Le niveau intellectuel des populations qui s'avère être insuffisant rendrait la tâche très compliquée, a fait constater ce dernier. Quel serait alors le remède miracle? Un véritable régime démocratique, souligne le conférencier. «Le devenir des droits de l'homme est tributaire de la volonté politique des pays qui s'efforcent de s'émanciper des différentes contraintes en vue de défendre les libertés», a-t-il ajouté. D'après l'analyse développée par l'ancien secrétaire général de l'ONU, «la défense de la démocratie nationale n'est qu'un début, car il faudra arriver à une démocratie des Nations unies où les ONG auront leur mot à dire dans l'adoption des décisions et des résolutions internationales», a-t-il précisé. En ce sens, M.Boutros Boutros-Ghali a exhorté les pays arabes à prendre leur destin en main. A faire preuve de cette volonté politique indispensable qui leur permettrait de jouer un rôle dans les affaires internationales, «Afin de contribuer à l'émergence de cette démocratie mondialisée pour éviter de tomber sous la domination d'une puissance et d'une organisation donnée.» La voix des pays arabes doit se faire entendre, a souhaité le diplomate égyptien. Pour contrer l'hégémonie américaine, Boutros Boutros-Ghali ne voit d'autre solution que «l'émergence d'autres forces sur la scène internationale qui serait à même de changer les donnes». Et pour ce faire, il préconise l'utilisation à bon escient de la mondialisation. Il estime qu'à ce moment-là, les pays arabes «seront en mesure d'user de tout leur poids en matière de résolutions internationales». La demande des Nations unies portant sur la constitution d'une commission d'enquête sur les attentats d'Alger du 11 décembre 2007, a été qualifiée d'illégale par l'ancien secrétaire général des Nations unies. Il s'explique: «L'accord du pays concerné est indispensable pour que cette institution puisse diligenter une enquête. Quant au conflit arabo-israélien, il estime qu'il ne sera pas réglé de sitôt, qu'il s'agisse de la guerre avec Israël ou des conflits internes entre les différentes factions». Qu'est-ce qui pourrait donc inverser cette tendance? C'est le 1,5 million d'Arabes de nationalité israélienne qui vivent en territoire israélien, a estimé M.Boutros Boutros-Ghali. «Ils représentent 17 à 18% de la population. Un chiffre qui, dans les dix prochaines années, devra atteindre 40%. Ce qui amènera Israël à réviser sa politique à l'égard des Arabes», a conclu avec assurance l'ancien secrétaire général de l'ONU. La démographie au secours de la géopolitique. Une certaine manière de voir les choses.