Invité par la CCFC (Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité), le professeur Grzegorz W. Kolodko, ancien ministre des Finances, ex-vice-Premier ministre de la République de Pologne, a animé hier une conférence-débat à l'Institut supérieur de gestion et de planification au cours de laquelle il a essayé de “disséquer” le processus de transformation de la Pologne depuis 1989 jusqu'à nos jours. Intitulée “Le modèle de transition économique polonais”, sa contribution a été des plus instructives sur ce qui s'est passé dans les pays de l'Est d'Europe depuis la chute du mur de Berlin. Même si la quasi-totalité de son intervention était axée sur son pays et ceux de l'ex-bloc soviétique, il a “égratigné” au passage l'économie algérienne tout en donnant l'impression de ne pas vouloir trop s'attarder. Ainsi, lorsqu'il avait abordé les composants de la transformation des institutions, il a affirmé que “si la Pologne savait où elle se dirigeait” surtout avec son entrée à l'Union européenne, “l'Algérie, par contre, à l'instar de la Russie ou du Kazakhstan, ne sait pas où elle va”. Il relatera aussi une anecdote qu'il vient de vivre en Algérie et qui l'a, selon lui, très surpris : “C'est la réaction des députés lorsque je leur ai posé la simple question sur l'existence ou non de sondages d'opinion. Ça a provoqué chez eux carrément un choc ! Pourtant, l'opinion publique est très importante. Les réformes ne réussissent que si les gens les acceptent.” L'ex-vice-Premier ministre polonais a aussi abordé la participation des capitaux étrangers dans le capital des banques. En mentionnant que “même si” dans son pays 70% des capitaux des banques appartiennent aux étrangers, “alors qu'en Allemagne, c'est de 4% et carrément 100% en Lituanie”, il n'omettra pas d'indiquer que “c'est un sujet des plus controversés en Pologne. Les économistes sont divisés. D'ailleurs mon avis personnel est qu'il y ait eu ces capitaux ou non le résultat aurait été le même”. Toutefois, on ne peut mettre de côté l'aspect “leçons” sur les différents processus vécus par son pays pour sa transition de l'économie planifiée vers l'économie de marché qui, pour lui, a été une réussite totale. Pour cela, il s'appuiera sur des chiffres : “Le PIB par habitant en Pologne est de 16 000 dollars”, tout en ajoutant avec un plaisir non caché : “C'est le tiers par rapport à celui des Etats-Unis, mais c'est aussi le double par rapport à l'Algérie.” Au passage il critiquera l'économie néolibérale : “Elle a été discréditée déjà à l'époque d'Eltsine en Russie où elle était appliquée. Son rejet est la cause du succès des pays comme la Chine ou l'Inde.” Ses nombreux satisfecit sur la réussite de l'économie de son pays ne lui ont tout de même pas fait oublier de mentionner quelques “détails” qui, pour lui, ont ralenti la machine “qui avait donné à mon pays le titre de Tigre de l'année”. Parmi ses “flèches”, il indiquera que la diaspora polonaise aux Etats-Unis “a beaucoup parlé, mais ne nous a pas aidés comme l'ont fait d'autres pour leur pays, tels les Irlandais ou les Chinois. Ce n'est même pas un lobby comme les Juifs ou les Arméniens”. Avant de terminer son “speech”, il n'omettra pas d'émettre quelques directives qui, pour lui, sont essentielles pour qu'une politique économique réussisse : “La transformation ne peut pas remplacer la stratégie. Il faut avoir une vision au lieu de l'illusion. Les Chinois, eux, l'ont compris.” Toutefois, il ne précisera pas à qui s'adressaient ces “directives”. Salim KOUDIL