Le congrès de l'Union générale des travailleurs algériens fut un modèle de gestion totale des organisations. Les mille six cents “délégués” choisis semblent n'avoir été là que pour légitimer la prolongation de mandats et la création de nouveaux. Même quand il y eut un frisson d'expression, c'était un mouvement d'humeur des délégués d'une wilaya qui s'étonnaient que le secrétaire général adjoint, nouvellement conçu, ne soit pas désigné comme prévu… avant le congrès. La Centrale ne pouvait indéfiniment souffrir le reproche d'illégitimité pour cause de fin de mandat. Et pour minimiser la contestation, la direction s'est statutairement élargie à un maximum, dans tous ses niveaux. Comme cela, il y en aura presque pour tout le monde ! Le gouvernement y a parlé bien plus que les “délégués”, réduisant le débat à un matraquage du discours de l'unicité. Le ministre du Travail y a eu droit à la part du lion en temps de parole. Si bien que, dans la presse, la chronique médiatique du congrès s'est résumée au rapport des propos de Louh. Cette mainmise sur un congrès qui devait être celui des travailleurs permit au ministre de rappeler que, comme en politique et ailleurs, en matière sociale, c'est le pouvoir qui désigne ses interlocuteurs : “Le seul syndicat représentatif au niveau de l'économie et de la fonction publique est bien l'UGTA.” Mais les syndicats autonomes existent quand il s'agit de leur contester le monopole de l'autonomie et proclamer l'UGTA tout aussi autonome. Ce qui n'est pas sans rappeler le temps où le FLN déniait le monopole de l'islam aux partis intégristes et celui de la démocratie aux partis démocrates. Ces dernières années, la réhabilitation des rapports strictement clientélistes a, d'ailleurs, attiré dans le giron du pouvoir toutes sortes d'organisations, dont certaines sont légitimées par leur vocation de contrepouvoir. Le temps des appareils est de retour. L'aisance budgétaire a fait de ce rapport rentier le lien de solidarité exclusif entre l'Etat et la société. Sauf dans les îlots qui refusent d'“assumer” le placement politique de leur fonction sociale, où la répression prend la relève. Les congressistes savaient-ils pourquoi “ils” ont élargi les instances de la Centrale et créé un poste de secrétaire général adjoint ? L'unique argument avancé, celui de mimer les syndicats modernes, est controuvé (c'est en 1895 que la CGT a élu son premier SG adjoint et aujourd'hui les SG adjoints de la CGT et de la CFDT correspondent aux présidents de fédération). Savent-ils pourquoi la désignation de l'adjoint est confiée à la CEN pour plus tard ? Et peut-être bien plus tard. Quand la démocratie fait défaut, ce qui est pratique, pour les autocrates, c'est que c'est la base qui est choisie. Cette scène de protestation des supporters de Djenouhat déçus de ne pas voir se concrétiser la promotion annoncée de leur représentant est significative. C'est lui qui les renvoie à leurs classes du parti unique : il faut faire confiance à l'instance dirigeante ! Envoyez ! C'est emballé. Il ne reste que l'incontournable résolution, celle de demander au régime qui permet une telle stabilité syndicale de rempiler pour un énième mandat. M. H. [email protected]