La visite effectuée en mars dernier à Alger par la commissaire européenne, Mme Benita-Ferrero Valdner, longuement reçue par le président Bouteflika, a visiblement donné une nouvelle impulsion aux relations entre l'Algérie et la Commission européenne. C'est du moins ainsi que les choses sont perçues à Bruxelles. “Nous avons apprécié la volonté de l'Algérie de s'engager dans la politique de voisinage et nous sommes prêts à l'assister et à collaborer sur les programmes de réforme”, a déclaré Mme Christiane Hohman, porte-parole de la commissaire, dans un point de presse animé devant une délégation de journalistes algériens invités par la Commission européenne. Mme Hohman parle en outre de “signal fort” envoyé par les autorités algériennes chez qui une volonté d'ancrage dans la politique européenne et un désir de dépasser aussi les incohérences découlant de la signature de l'accord d'association, en septembre 2005, sont palpables. D'où une disponibilité de la commission de s'impliquer davantage dans la mise en œuvre du processus des réformes en cours chez nous. “Nous pouvons apporter une assistance technique et physique et envoyer des experts”, ajoute la porte-parole de Mme Benito-Ferrero Valdner. Cette assistance peut porter sur des secteurs aussi importants que le système douanier et bancaire qui sont actuellement en besoin de mise à niveau, dans la perspective de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC. Egalement en matière des droits de l'homme et avec la société civile. Reste que la vitesse à imprimer à cette assistance dépend de la seule volonté du gouvernement algérien, à qui il appartient d'identifier les domaines d'assistance et l'agenda de sa mise en œuvre avant le lancement des appels d'offres pour leur réalisation. “Il y a des plans d'action agréés des deux côtés avec possibilité de réajustement, il y a une flexibilité dans notre démarche, c'est un des caractères de la politique européenne de voisinage”, enchaîne Mme Christiane Hohman dont l'intervention au centre de presse constitue le point fort de cette visite. Evidemment, la question sécuritaire est présente dans les propos des différents intervenants, qui reconnaissent, cependant, unanimement que la situation actuelle se caractérise par une amélioration palpable et propice à donner un coup d'accélérateur à la coopération entre Alger et Bruxelles, histoire de rattraper le retard que nous accusons actuellement par rapport à nos deux voisins marocains et tunisiens, les premiers à signer et qui ont “commencé à collaborer très tôt et à savoir utiliser le maximum des offres” mises sur la table. Rendez-vous est déjà pris pour la fin du mois de mai pour de nouvelles propositions. Au cours de cette rencontre entre journalistes algériens et experts de la Commission, il a été souvent question du fameux et néanmoins fumeux projet d'union pour la Méditerranée, cher au président français Nicolas Sarkozy. Du côté européen, on ne manque pas d'épithètes pour qualifier cela de dessein sarkozien. “Arlésienne” pour les uns, “coquille vide” pour les autres, qui prêtent au successeur de Jacques Chirac une volonté d'hégémonie sur l'Europe et contrebalancer ainsi la politique allemande d'ouverture sur les anciennes républiques de l'Est. D'autres encore ne donnent pas plus de chances à ce projet que celui du processus de Barcelone, tant que le problème palestinien reste posé. “Si l'on devait reconnaître un mérite à l'idée de Sarkozy d'union méditerranéenne, c'est qu'elle est un gros pavé dans la mare : elle bouscule bien des comportements, questionne des politiques, interpelle des institutions, bref, elle relance le débat autour de la centralité de la Méditerranée dans la géopolitique de la France et de l'Union européenne aux défis de tous ordres, auxquels les riverains et ceux qui sont au-delà sont exposés”, explique au début de son intervention le professeur Bichara Khader, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe contemporain à l'Université catholique de Louvain. En tout état de cause, c'est tout le monde qui attend le sommet des chefs d'Etat des pays de la Méditerranée, le 13 juillet prochain, à Paris, pour en savoir davantage sur ce projet qui séduit autant qu'il suscite méfiance et incrédulité. La question de l'émigration a été présente lors de cette rencontre. Si tout le monde convient de l'inanité de l'Europe de vouloir se barricader contre “la menace qui vient du Sud”, en considérant que ce Sud est d'un apport nécessaire au Vieux Continent en termes de valeurs, d'expérience humaine, il reste que l'Afrique doit créer ses propres conditions de développement durable pour freiner les flux migratoires vers le “qui ne peut accueillir toute la misère du monde”, selon la formule célèbre de l'ancien Premier ministre français Michel Rocard. Enfin, cette rencontre avec la presse algérienne a été aussi l'occasion pour des intervenants de parler du climat d'investissement en Algérie. C'est notamment le thème de la conférence de M. Benhalima, business manager, qui, à travers son expérience de “relais”, met en relief “le parcours du combattant” auquel est confronté tout investisseur tenté par le risque Algérie, à cause de lourdeurs administratives et bureaucratiques qui sont aujourd'hui perçues comme autant d'obstacles rédhibitoires à l'investissement étranger dans notre pays. D'où justement ce consensus aujourd'hui selon lequel l'Algérie, contrairement au Maroc et à la Tunisie qui sont en besoin d'argent, est en panne de management et de savoir-faire technique pour opérer définitivement la césure avec “le système rentier et bureaucratique” actuel. De notre envoyé spécial N. Sebti