En marge de l'ouverture de l'une des plus grandes librairies d'Algérie, celui qui préside également le comité d'organisation du Sila a accepté de nous présenter l'entreprise qu'il chapeaute et de nous parler des ambitions futures Liberté : Vous avez été président du comité d'organisation du précédent Salon international du livre d'Alger (Sila), que gardez-vous de cette expérience ? A. Boucenna : Je suis toujours président de ce comité. Cette expérience m'a permis, en effet, de découvrir beaucoup de choses. Auparavant, je ne m'intéressais pas au livre en général, mais uniquement aux écrits qui concernaient mon métier et ma spécialité (économie, droit...), histoire d'élargir mes connaissances. Par la suite, j'ai découvert ce monde du livre qui est fort passionnant et les gens qui exercent ce métier travaillent ce support informationnel, de communication et de culture d'une manière extrêmement intéressante en dépit de toutes les difficultés. Je dois avouer que depuis, je suis devenu un lecteur assidu. Lorsque nous évoquons l'Anep, souvent, dans l'esprit des gens c'est synonyme de pourvoyeur de publicité uniquement. Comment procéderez-vous pour débarrasser l'entreprise qui ne cesse de développer et de varier ses activités de cette idée réductrice ? Je suis ravi de la question parce que cela me permet de présenter l'Anep et cela s'impose. L'Entreprise nationale de communication, d'édition et de publicité est un groupe qui est présent dans la publicité, l'impression, l'édition, la distribution et la communication externe. À cela s'ajoute l'organisation d'évènements à l'image du Sila et des conférences, des colloques comme celui qui a porté sur “La pensée politique algérienne 1830-1962” qui a été inauguré par le président de la République en 2005. Nous avons également organisé une rencontre de haut niveau avec George Corm en 2006 ainsi que d'autres conférences, notamment sur la Palestine et le Moyen-Orient. C'est donc là l'un des métiers que nous maîtrisons parfaitement et que nous souhaitons développer pour être présent dans la sphère culturelle et participer de façon active et effective aussi bien dans la capitale qu'à l'intérieur du pays. Vous venez de citer la rencontre en 2006 et l'on s'en souvient tant on a été marqué par l'éminent intellectuel libanais, également consultant international de son état, qu'est George Corm. Vous aviez annoncé alors que ce type d'initiative allait se renouveler régulièrement. Où est-ce que vous en êtes depuis ? Nous avions, en effet, tracé un programme pour inviter d'éminentes personnalités dans des domaines précis. Après George Corm, nous avons poursuivi avec Massar El-Har, qui est un écrivain palestinien de renommée et qui est à l'Unesco. Il a animé une rencontre sur la situation en Palestine et au Liban mais par la suite, faute de moyens, nous n'avons pas pu aller au bout de cette initiative si noble soit-elle. Par ailleurs, nous nous sommes concentrés sur l'animation culturelle lors du salon et ce n'est pas des moindres. Pour cette année, nous sommes en train de préparer un programme riche et varié autour du thème du prochain salon, en l'occurrence “La jeunesse et l'enfance”, et nous comptons inviter d'importantes personnalités qui ont un lien avec ce même thème pour des conférences-débats de haut niveau. Comment voyez-vous le monde de l'édition aujourd'hui en Algérie et pensez-vous que le livre a encore de beaux jours devant lui face à la concurrence générée par les nouvelles technologies ? L'activité de l'édition est en train de se développer de façon accélérée, notamment ces deux dernières années, encouragée par deux facteurs déterminants. D'abord, parce que nous avons un président qui aime le livre et la lecture, et ensuite, grâce à l'événement “Alger, capitale de la culture arabe” qui a été d'un apport considérable aux éditeurs algériens (1 300 titres édités par les Algériens). Globalement, la politique est encourageante pour cette activité, notamment après la décennie noire que nous avons vécue, et vise la relance de l'édition à travers, entre autres, un autre programme de 1 000 titres qui va être lancé au courant 2008. Rien ne remplacera le livre. On peut consulter sur Internet et recourir même à des bibliothèques virtuelles, et c'est parfois pratique, mais cela ne peut se substituer au livre (support papier) qui peut nous accompagner partout où l'on va, qu'on peut consulter en bus, en taxi, en train ou en attente quelque part. On peut interrompre sa lecture et la reprendre sans contrainte aucune, le mettre dans son cartable ou son sac. C'est donc un moyen de transport de l'information et de la connaissance qui est tout bonnement irremplaçable. Aujourd'hui l'Anep procède à l'ouverture de sa seconde librairie à l'avenue Pasteur après celle de la rue Khelifa-Boukhalfa, chapeautée par l'une de vos filiales qui est Messagerie Express (AME), signant ainsi votre grande entrée dans l'arène de l'édition confrontée aujourd'hui au piratage. L'on recense déjà 500 titres piratés qui circulent sur le marché au vu et au su de tous. Que fera l'Anep pour contrecarrer ce fléau ? Il est évident qu'il faut agir pour éradiquer le piratage car il pourrait signifier la mise à mort du livre en lui-même. Les textes à ce propos sont d'ailleurs clairs. Pour notre part, nous n'accepterons jamais de livres piratés dans nos librairies et ce n'est là que loyauté et respect envers ceux qui écrivent et le lecteur lui-même. Tous nos livres sont dotés de droits d'auteurs et nous travaillons avec des auteurs algériens ou des étrangers et nous achetons les droits extérieurs auprès d'autres éditeurs. Au niveau des prix, le livre reste cher aussi bien à l'étranger qu'en Algérie. Mais compte tenu du niveau de vie de l'Algérien, force est de reconnaître que le livre apparaît inaccessible, surtout les livres scientifiques qui peuvent atteindre 5 000 DA et plus. Pour cette raison, il est, à mon humble avis, nécessaire d'encourager politiquement le livre et éviter ainsi que les lecteurs se rabattent sur des livres soutenus dont on n'a pas besoin et qui font l'apanage d'extrémismes divers. Il est important, et j'insiste sur ce point, que la politique du livre en Algérie soit orientée vers l'encouragement de la lecture et inéluctablement vers l'achat du livre et ce, à travers la réduction ou la suppression des taxes et, pourquoi pas, un soutien effectif comme c'est le cas pour les produits de première nécessité car, il y va de la nourriture de l'esprit qui est aussi vitale pour l'homme, l'humanité et son devenir. Quelles sont les perspectives de l'Anep ? Nous sommes encore en pleine phase de réorganisation du groupe dans sa totalité car les entreprises qui étaient sous la tutelle de SGP presse et communication sont passées sous celle du ministère de la Communication. Au sein du groupe même, nous voulons aller vers d'autres métiers, notamment l'audiovisuel et les autres médias, Internet et autres supports d'informations. L'autre chantier sur lequel l'Anep compte s'investir réellement concerne l'enrichissement de sa ressource humaine à travers un vaste programme de formation au profit de l'ensemble de son personnel qui devra être impérativement au standard international. N. S.