La ville de Guelma abrite depuis hier les travaux du 6e Colloque international sur les massacres perpétrés par la France coloniale lors des évènements du 8 Mai 1945 dont l'Algérie célèbre le 63e anniversaire. La journée d'hier a été marquée par l'intervention de deux historiens français et non des moindres, soit Gilles Manceron et Jean-Louis Planche. Gilles Manceron, journaliste et historien français, vice-président de la Ligue des droits de l'Homme, a axé sa contribution sur le travail de mémoire et la reconnaissance de la tragédie. La chose semble être aussi complexe que la structure de formation de l'opinion française et la nature même de la classe politique dans l'Hexagone. “La société française est travaillée par des tendances contradictoires, ceux qui veulent la reconnaissance et ceux qui ne veulent pas d'elle, préférant que les manuels scolaires continuent à présenter la colonisation comme une œuvre de civilisation”. À ce niveau, G. Manceron se garde de tout optimisme démesuré. En effet, selon lui, “cette dernière tendance est forte dans la société française. Elle est même majoritaire contre l'autre tendance qui demande la vérité et la reconnaissance. Toutefois, le journaliste et spécialiste d'histoire perçoit des signes positifs comme la qualification des massacres du 8 Mai 1945 par l'actuel ambassadeur de France à Alger, il y a une semaine, ici même à Guelma, d'actes abominables ou encore leur qualification, le 27 février 2005, par son prédécesseur, de tragédie non excusable”. Une prise de conscience “à laquelle je ne peux qu'exprimer mon soutien”, avoue Gilles Manceron qui souhaite que la courageuse position de Son Excellence l'ambassadeur mérite d'être adoptée par les plus hautes des autorités de l'Etat français telles que le Quai d'Orsay ou l'Elysée. Les évènements, qui ont endeuillé Sétif, Guelma, Kherrata et d'autres régions du pays, ont été suivis et analysés de près par les services de la première puissance mondiale née entre les deux guerres, soit les USA. Et, justement, le Pr Jean-Louis Planche, lui, traitera du “massacre du Constantinois de Mai-Juin 1945, vu par les services de renseignements américains”. Les archives des services américains de l'époque peuvent être une piste d'une très grande utilité pour les chercheurs devant le black-out français. J.-L. Planche a travaillé sur des documents de l'ex-OSS, le plus grand service de renseignement de la Seconde Guerre mondiale. Un véritable laboratoire comptait, en Mai 45, près de 20 000 agents civils ou militaires. Les services US, selon le conférencier, suivaient de près ce qui se passait en Algérie. Selon lui, leurs documents sont un véritable trésor pour les historiens. En effet, le commandement de l'ex-OSS pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient était stationné en Algérie. Pas moins de 77 militaires et civils faisaient fonctionner un véritable laboratoire d'écoute, d'analyse et de veille. “J'ai consulté des documents, ce que j'ai vu n'est qu'une infime partie. Les Américains ont compris dès le début qu'ils étaient en face de la répression”, avoue le chercheur. Toujours, selon le Pr Planche, un journaliste américain a pu accéder à temps à un rapport confidentiel destiné aux généraux français sur les évènements et donner le chiffre de 17 400 morts. Pour la seule petite localité d'El-Achir dans la wilaya de Bordj Bou-Arréridj, dans ce qu'on appelait alors la commune mixte des Bibans, on comptait 3 000 morts. Pour conclure, l'historien appellera à une approche moderne de la gestion des archives de la guerre par la France. B. Nacer