“Cette visite a été fructueuse pour moi. C'est aussi une visite riche en enseignements. Mais, je dirai que ce n'est pas une visite réussie. Il y a beaucoup de choses qui se passent entre nos deux pays. Pourtant, bien avant ma venue à Alger, le président Sarkozy a visité l'Algérie à deux reprises. Il y avait aussi la venue de Michèle Alliot-Marie et François Fillon, notre Premier ministre sera bientôt à Alger”. Cette déclaration du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, résume on ne peut mieux la position d'Alger sur les préalables d'adhésion de l'Algérie au projet de l'Union pour la Méditerranée (UPM), à savoir la reconnaissance officielle et inconditionnelle de la France des crimes coloniaux durant la guerre de Libération nationale, le Sahara occidental, la Palestine et la normalisation “souhaitable” de part et d'autre des relations avec Israël. M. Kouchner, qui a eu des entretiens avec son homologue algérien, Mourad Medelci, et le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, n'a pas caché, même s'il le dit à demi-mot, les réticences de l'Algérie. Lesquelles réticences demeurent manifestes et que Kouchner n'a réussi à lever l'espace d'une visite éclair. Hier, lors d'un point de presse organisé au salon d'honneur de l'aéroport international Houari-Boumediene d'Alger, le ministre français des Affaires étrangères a mis en valeur les transformations intervenues dans les relations algéro-françaises. “Le climat est carrément transformé ! Certes, nous avons évolué, nous sommes loin de dire que tout est réglé. Ceci dit, nous espérons que tout sera réglé dans un futur proche !” dira M. Kouchner avant de renchérir : “De toutes les manières, rien ne sera signé si l'Algérie ne signe pas au même titre que d'autres pays qui feront partie de l'UPM. Ce dernier est un pont entre les cultures, mais aussi entre ceux qui se sont heurtés dans l'histoire !” Le conférencier ira plus loin pour tenter d'encenser Alger et décrocher le “oui” de l'Algérie à ce projet, cher à la France, qui présidera l'Union européenne à partir du mois de juillet prochain. Et comme les choses pressent, M. Kouchner est prêt à remettre en cause certaines positions de la France. En effet, interrogé sur l'installation du siège de l'UPM au Maroc et du secrétariat en Tunisie, M. Kouchner répondra tout de go : “L'organigramme n'est pas encore défini. Je démens formellement cette information. Reste la coprésidence qui sera assurée par l'Egypte, il faut savoir que toutes les hypothèses sont changeantes ! Quant aux invitations, je vous annonce que nous n'avons pas encore envoyé d'invitation à M. Bouteflika avec qui j'ai eu à m'entretenir longuement. M. Bouteflika m'a en tout cas montré toute sa disponibilité.” Mais là où M. Kouchner a aussi échoué, ce sont les trois dossiers lourds, à savoir le contentieux historique entre la France et l'Algérie, la Palestine et le Sahara occidental. Et même s'il a annoncé l'installation prochaine d'une commission d'experts et d'historiens pour étudier l'accès aux archives de la guerre d'Algérie, M. Kouchner n'a pas cédé sur les deux autres chapitres. Il dira à propos du Sahara occidental que “pour le moment, la solution n'existe pas. Et l'Algérie est très proche du dossier. Mais faudra-t-il attendre la fin des conflits et des guerres pour construire un projet d'intérêt commun ? Vous me parlez de la Palestine, je vous annonce que mon ami Medelci se rendra bientôt au Caire pour participer à une réunion de travail à ce sujet. Mieux, il y aura une grande rencontre entre les opérateurs du secteur privé de la Palestine et d'Israël”. Le conférencier ira plus loin : “Nos relations dans le Maghreb commencent par l'Algérie ! Au risque de me répéter, c'est un pays-clé pour l'UPM. Nous voulons la fin du conflit du Sahara occidental et la France respecte les résolutions des Nations unies. Mais vous devez savoir aussi que l'UPM n'est pas un mécanisme de concurrence du Nepad.” Sur un autre volet, M. Kouchner s'est exprimé sur la libre circulation des personnes après la mise en vigueur de l'UPM. “Ce projet (UPM, ndlr) a eu le quitus de l'Union européenne. Et la libre circulation des personnes sera posée dans le cadre des accords Schengen et qui concernent 23 pays. Actuellement, il faut l'organiser et un jour elle sera effective. Une chose est sûre, à partir de juillet prochain, la France proposera une charte à l'UE pour tenter de mieux cerner cette question dans le cadre de l'espace européen”. Présent aux côtés de M. Kouchner, Mourad Medelci a annoncé la signature prochaine de deux accords entre la France et l'Algérie, l'un relatif à la coopération militaire et l'autre au nucléaire civil. Aux yeux de M. Medelci, “l'UPM est un projet qui a évolué et qui mérite toute notre attention, car il sera porteur d'une valeur ajoutée. L'UPM est aussi un projet qui revêt un caractère plurilatéral et toutes le pistes sont ouvertes pour identifier les intérêts des uns et des autres”. FARID BELGACEM