Comme une lettre à la poste, la décision de Hosni Moubarak de reconduire pour deux autres années l'état d'urgence a été entérinée, hier, par le Parlement, au grand dam de l'opposition qui revendique sa levée en vain. Dominé par le Parti national démocrate (PND) au pouvoir du président, le Parlement égyptien a approuvé, hier, la prorogation de l'état d'urgence, en vigueur depuis près de 27 ans, pour une période de deux ans à partir du 1er juin prochain. Les parlementaires égyptiens ont adopté la demande du gouvernement, introduite suite à la décision de Hosni Moubarak, “de proroger l'état d'urgence (...) de deux ans à partir du 1er juin, pour une période s'achevant avec l'adoption d'une loi antiterroriste”. Pourtant, le ministre des Affaires juridiques, Moufid Chehab, avait assuré à l'été 2007 que l'état d'urgence serait aboli en 2008, même si la loi antiterroriste devant le remplacer n'était pas prête d'ici là. Pour rappel, le président Moubarak avait lui-même promis, pendant la campagne électorale pour la présidentielle de septembre 2005, d'abolir l'état d'urgence, avant de se raviser plus tard et d'en conditionner la levée par l'adoption d'une loi antiterroriste. En fin de compte, il faudra attendre la promulgation de cette loi pour espérer voir l'état d'urgence levé. Celui-ci a été instauré au lendemain de l'assassinat du président Anouar al-Sadate par des islamistes en octobre 1981, et a été systématiquement reconduite depuis cette date, malgré les revendications de l'opposition. Même le Conseil national des droits de l'homme (CNDH) en Egypte, une instance gouvernementale, a estimé que l'état d'urgence n'avait plus lieu d'être. Au début du mois en cours, une vingtaine d'ONG ont appelé à son abrogation. Des organisations non gouvernementales reprochent au gouvernement d'utiliser cette loi d'exception pour affaiblir ses opposants, de peur que la loi antiterroriste censée le remplacer ne serve les mêmes objectifs. Il faut dire que les accusations sont parfois très virulentes, à l'image de l'analyste Diaa Rachwane, lequel a qualifié dans les colonnes du quotidien indépendant Al-Masri Al-Yom la prorogation de l'état d'urgence de “crime”. Selon lui, le temps qui s'est écoulé depuis la promesse de Hosni Moubarak de lever l'état d'urgence “aurait suffi à préparer dix lois antiterroristes”. Il n'en demeure pas moins que la presse progouvernementale égyptienne a rappelé les “dangers” auxquels l'Egypte doit faire face, en cas de levée de l'état d'urgence. “Souvenez-vous de ce qui s'est passé lorsque des Palestiniens ont violé nos frontières, et de leur arrivée en quelques heures aux différents gouvernorats avec autour de leur taille des ceintures explosives et dans leurs poches des grenades et des munitions !” a écrit l'éditorialiste du quotidien Al-Gomhouriya. Il s'est interrogé : “L'Etat allait-il attendre un ordre du parquet pour les arrêter?!” en référence au déferlement de centaines de milliers de Palestiniens sur le sol égyptien, après la destruction fin janvier de la frontière avec la bande de Gaza. Il y a lieu de signaler que l'état d'urgence accorde notamment au ministre de l'Intérieur le droit discrétionnaire de maintenir en prison tout individu représentant un “danger pour la sécurité publique”, même lorsqu'il a purgé sa peine, et autorise les autorités à renvoyer des civils devant la justice militaire. K. ABDELKAMEL