La révolution Orange est devenue l'exemple à suivre pour aboutir à la démocratie. L'opposition égyptienne semble s'en inspirer pour pousser le gouvernement à amorcer des réformes politiques, à quelques mois du scrutin présidentiel. Régnant sans partage sur l'Egypte depuis l'assassinat d'Anouar Al Sadate en 1981, le président Moubarak prépare son fils Gamal pour lui succéder. Il s'engage ainsi dans la voie d'une succession dynastique, à l'image de la Syrie. Du coup, il engage le pays dans une crise multiforme. La contestation politique prend de l'ampleur et atteint des proportions inédites. Les autorités égyptiennes sont de plus en plus “nerveuses” à l'approche des élections présidentielles prévues en septembre prochain et font face à des manifestations beaucoup plus intrépides que par le passé. Il y a d'abord le mouvement Kéfaya qui regroupe diverses tendances politiques. Il revendique la fin du régime présidentiel, la suppression de l'état d'urgence, en vigueur depuis 1981, et plus de libertés publiques. Depuis l'accession au pouvoir de Hosni Moubarak, c'est la première fois que l'opposition est descendue dans la rue pour faire une démonstration de force. Cette ébullition a été alimentée par l'idée d'une transmission héréditaire du pouvoir, à l'instar de ce qui s'est passé en Syrie. Gamal, le fils du président, est de plus en plus présent dans la vie publique. Il est aujourd'hui, avec la “jeune garde” d'hommes d'affaires qui l'entoure, parmi les cadres les plus influents du Parti national démocratique (PND, parti au pouvoir). Durant ces derniers mois, la campagne des partis d'opposition s'est focalisée sur la réforme constitutionnelle en revendiquant la fin du système de référendum devant assurer sans surprise la reconduction de Hosni Moubarak ou de “son candidat”, Gamal, à la magistrature suprême. Face à ce climat tendu, les pressions exercées par les Etats-Unis d'Amérique ont poussé le président égyptien à procéder à des changements constitutionnels. Le 26 février dernier, Moubarak a annoncé l'amendement de l'article 76 de la première loi du pays, autorisant l'organisation d'un suffrage universel avec la participation de plusieurs candidats. L'opposition, pour sa part, n'est pas suffisamment satisfaite. Elle réclame la limitation de la durée du mandat du président, la liberté de créer des partis politiques et la levée de l'état d'urgence. Mais, rien n'indique que le gouvernement ne soit disposé à faire plus de concessions. La menace terroriste est présentée comme l'argument empêchant l'ouverture démocratique dans l'immédiat. Reste à savoir si cette thèse est valable pour justifier tout refus de changement comme le soulignent bon nombre d'observateurs pour justifier le maintien de l'état d'urgence. Encouragée par Washington, la société civile et l'opposition se sont mobilisées pour fragiliser le raïs. La proposition de modification de l'article 76 de la Constitution sème le désordre dans les rangs des députés de la majorité qui représentent plus de 90% du Parlement. Appelés brusquement à plancher sur un sujet qu'ils maîtrisaient peu, à savoir le libéralisme politique, ils semblent pris de panique. Comment passer d'un président désigné par le Parlement et confirmé par plébiscite à des élections au suffrage universel ? La presse officieuse rendait hommage à la sagesse du raïs pour sa “décision historique”. Ces derniers mois, l'opposition était même passée à la vitesse supérieure après les élections palestiniennes. La naissance spontanée d'un mouvement populaire contestataire Kéfaya, qui a osé manifester dans les rues contre le mandat à “l'infini” du raïs, a même poussé le gouvernement à ouvrir “un dialogue national” avec l'opposition. Un dialogue destiné à faire cesser la grogne sans réellement aboutir. N. A.