Le référendum par lequel les Egyptiens sont appelés à adopter l'amendement à la Constitution représente pour les autorités un test grandeur nature. Trente deux millions d'Egyptiens sont appelés aujourd'hui à ratifier l'amendement intervenu dans la loi fondamentale égyptienne avec l'ouverture de l'élection présidentielle au pluralisme politique. Une première en Egypte depuis la chute du roi Farouk II en 1952 et la mise en place d'un parti unique et d'une nouvelle Constitution par les officiers libres qui ont déposé la royauté en Egypte. Cette ouverture, largement insuffisante, estime l'opposition égyptienne, ne répond pas, selon elle, aux normes de liberté garantissant le choix des Egyptiens et ne prend pas en charge les aspirations réelles du peuple égyptien. De fait, l'amendement sur lequel vont se prononcer les Egyptiens met un terme à l'élection par plébiscite du président de la République et ouvre la voie au pluralisme des candidatures. Toutefois les conditions draconiennes posées par le nouvel article de loi constituent en fait un obstacle quasi infranchissable pour les postulants indépendants. D'autant plus que c'est le PND, -qui domine l'ensemble des assemblées élues égyptiennes-, qui doit parrainer les dits candidats indépendants. Aussi, ces conditions sont-elles estimées inacceptables par l'opposition. De fait, le référendum s'annonce assez mal, faisant planer l'incertitude sur son déroulement, après l'appel au boycott lancé par les trois partis légaux en Egypte, le Tagamou (Rassemblement), le Parti nassérien et le Wafd (centriste libéral). Les Frères musulmans, interdits mais tolérés, principale force d'opposition au président Moubarak, ont également appelé les Egyptiens à ne pas voter aujourd'hui. Le parti Al Ghad (Demain, non reconnu) s'associe aussi à ce mouvement de boycott du référendum. La situation est ainsi d'autant plus incertaine que le Conseil d'Etat égyptien, saisi par l'opposition, s'est déclaré incompétent et a rejeté lundi une demande d'annulation, faite par l'opposition, du scrutin prévu aujourd'hui. Aussi, ce premier référendum, jamais organisé en Egypte, constitue pour les autorités politiques égyptiennes, un véritable test grandeur nature quant à la réponse que le peuple donnera à la semi- ouverture politique et à son adhésion à ce que l'opposition qualifie de «demie mesures» inappropriées et ne répondant pas aux nécessités de démocratisation de la société égyptienne. Aussi, ce qui inquiète les milieux politiques égyptiens est que, depuis la disparition de la monarchie en 1952 et l'instauration du parti unique, il n'y a pas eu de véritables élections en Egypte et celles qui y ont pu se tenir ont été marquées par la désaffection de l'électorat. Dès lors, le taux de participation sera, en l'occurrence, l'un des baromètres de l'état d'esprit de l'électorat à quelques mois de l'important scrutin présidentiel de septembre prochain, et des législatives prévues le mois suivant. Le référendum d'aujourd'hui est d'autant plus grave que ce sera la première fois en Egypte, -en cas d'adoption de l'amendement à la Constitution-, que le président de la République sera élu au suffrage universel, alors que jusqu'ici, il était plébiscité par le Parlement qui entérine, par un vote formel, le candidat choisi par le parti qui domine la vie politique en Egypte depuis des décennies, le Parti national démocratique (PND). Cela a été la cas pour M. Hosni Moubarak, 77 ans, reconduit par le PND à quatre reprises à la tête de l'Etat et qui reste en position de briguer un cinquième mandat de six ans, après vingt-quatre années de pouvoir. Toutefois, le président Moubarak semble avoir lié son accord à un tel scénario, -une candidature pour un cinquième mandat-, au résultat du référendum. D'où l'importance pour les partisans du président Moubarak d'une adhésion totale du peuple à la retouche apportée à la loi fondamentale. Un vote positif pourrait alors inciter le président sortant à souscrire pour un nouveau mandat, alors qu'un vote négatif ouvre la voie à toutes les spéculations. Auquel cas, il y aura alors de fortes probabilités de remise sur le tapis de la solution Moubarak Jr, que le fils cadet, Gamal Moubarak, 42 ans, -numéro deux du PND, occupant le poste de président du «Haut comité politique» qui tient lieu de Bureau politique du parti-, -présenté comme l'héritier politique de son père-, se lance alors dans l'arène électorale pour tenter d'assurer la continuité de l'oeuvre paternelle, cela, malgré les dénégations répétées de Moubarak Jr démentant qu'il envisage de se présenter au prochain scrutin présidentiel.