La tension était tangible, hier matin, devant la cour de justice de Tiaret où le tribunal correctionnel devait rendre le verdict de l'affaire de la jeune Habiba et siéger dans le procès de six autres de la même appartenance religieuse. Le verdict de Habiba n'est pas encore connu puisqu'il est reporté à une date ultérieure pour complément de l'instruction. Selon Me Khalfoun, avocate de la défense, ce dernier sera fixé après l'enquête complémentaire dont la date sera notifiée par le tribunal dans un délai maximal de dix jours. Dans le même contexte, le même tribunal a siégé dans un autre procès où six accusés étaient présents à la barre pour répondre des chefs d'inculpation retenus contre eux, à savoir distribution de livres chrétiens, offense à l'islam et pratique de culte sans autorisation. Interrogés successivement par le juge, les prévenus avaient tous nié en bloc ce qui leur est reproché. Néanmoins, la charge de l'accusation pesait sur l'un d'eux, en l'occurrence M. S. Chabane auquel il est reproché d'avoir utilisé son appartement pour prêcher et conduire des messes collectives. À une question posée par le président et reprise par l'avocate de la défense, l'ensemble des accusés a reconnu l'amitié qui les liait, tout comme il justifiait leur regroupement en cette demeure pour des contacts et débats autour de différents sujets dont celui lié au christianisme. Néanmoins, ils ont rejeté l'idée de messes collectives et encore moins celle de prédications endossées à Chabane. Plus loin, ces derniers ont expliqué au tribunal avoir été tous interpellés sur la voie publique. Après quoi, Me Drissi, représentant la Direction des affaires religieuses et des waqfs, constituée en partie civile, avait étalé une série de questions à l'adresse des accusés qu'il avait tenté de piéger en reprenant certains détails relevés lors de l'interrogatoire mené par la Police judiciaire. Des ingrédients aussi rejetés par tous les prévenus, y compris l'un d'eux qui s'est proclamé de confession musulmane, et qui insistait sur leur amitié et rien d'autre. “Rachid est, tout comme les autres, libre de prôner la religion qui lui sied mais qu'il fasse des prêches ou des liturgies collectives, il doit se soumettre aux lois de la République dont les textes sont clairs”, conclura Me Drissi. Dans la foulée, Me Khalfoun, plaidant la cause des accusés, a entamé sa plaidoirie en reprenant certaines questions de la partie civile et qui portent encore une fois sur la relation qui existait entre eux. Au demeurant, cette dernière avait insisté sur l'appartement qu'occupait Rachid. “Comment se situe votre appartement ? A-t-il une architecture normale ou en forme d'une église ?” lançait-elle pour entendre que le logement est normal et composé de deux pièces, cuisine, salle de bains et sanitaires. Dans sa plaidoirie, Me Khalfoun avait prévenu que le harcèlement moral des prévenus avait commencé au niveau de l'interrogatoire de la police où certaines questions relevaient d'une pure persécution comme, par exemple, celle liée à l'obédience politique. “M. le président, vous avez posé la question à mes clients quant à la forme et l'architecture de l'appartement ciblé, et on vous a répondu qu'il s'agit d'un logement normal qui n'a rien à voir avec une forme d'église. Je crois que cela suffit pour requalifier l'accusation et enlever le reproche de messes collectives”, dira-t-elle, en précisant qu'à défaut, pourquoi la police ne les aurait-elle pas arrêtés en flagrant délit de pratique collective, d'autant plus que le représentant du ministère public avait précisé, dans son réquisitoire, que cette dernière était en possession de renseignements. Toutefois, Me Khalfoun s'est longuement étalée dans un plaidoyer riche et précis avant de solliciter, comme lors de la dernière séance, le tribunal de faire preuve de clémence et de tolérance dans ce pays appelé République algérienne démocratique et populaire. Néanmoins, le verdict des accusés sera connu, après les délibérations, le 3 juin prochain. Par ailleurs, l'un des accusés, en l'occurrence M. S. Chabane, doit comparaître aujourd'hui, mercredi, pour une affaire similaire au niveau du tribunal de Tissemsilt. R. SALEM