La RN45, qui traverse la région de Banyo et de Lekhmaïs, dans la wilaya de M'sila, s'est transformée ces derniers temps en un véritable marché à ciel ouvert spécialisé dans la revente d'abricots des vergers tout proches. Pour les revendeurs d'abricots de la localité de Boukhemssa, souvent de très jeunes gens, l'important trafic automobile qui caractérise cet axe routier en direction de Bordj Bou-Arréridj, notamment les poids lourds interdits d'accès dans les agglomérations, est presque une aubaine pour écouler plus facilement une marchandise abondante et, après tout, rapidement périssable. Plusieurs variétés de ce fruit de printemps sont proposées à des prix différents, mais les variétés de Skikda et de Blida sont les plus demandées en attendant l'arrivée tardive de la variété Louzi, qui reste de loin la plus appréciée de tous, soutiennent ces commerçants de circonstance et qui ne sont pas forcément la progéniture des propriétaires de vergers. La plupart de ces revendeurs s'approvisionnent en effet auprès des agriculteurs locaux et ne régleront la facture qu'après écoulement de la marchandise. La putréfaction de ce fruit, parfois après plusieurs jours d'exposition, est souvent source de désaccord, allant jusqu'à la rupture entre le propriétaire du verger et son revendeur, à en croire ces jeunes “négociants”. Dans d'autres cas, ce sont les agriculteurs eux-mêmes ou leurs enfants qui vendent ce fruit, et c'est là que s'offre aux usagers de cette route l'occasion de décrocher la bonne affaire, notamment en fin de journée, le vendeur-propriétaire étant libre de fixer le prix qui lui sied le mieux. Malgré une récolte d'abricots abondante cette saison, le prix pratiqué sur cet axe n'a pas daigné baisser en dessous de la barre des 30 DA le kg. Il est en outre constaté que les quantités exposées par chaque vendeur sont parfois plutôt infimes et emballées sommairement dans de tout petits sacs en plastique. À certains points, ce sont des fillettes de six ans à peine qui tentent d'écouler le produit pour un chiffre d'affaires modique ne dépassant guère les 200 DA par jour. Dans la plupart des cas, il s'agit d'enfants de parents ne disposant pas de vrais vergers mais simplement d'un ou de deux abricotiers qu'il faut bien utiliser comme source de revenus complémentaires. Le recours à des enfants pour de telles tâches n'a pas manqué de soulever l'indignation d'un grand nombre de personnes. Les enfants eux-mêmes soutiennent que beaucoup d'automobilistes s'arrêtent non pas pour acheter mais plutôt pour exprimer leur solidarité et leur compassion devant le spectacle affligeant d'enfants occupant, pour si peu, les bords des routes, noyés dans la poussière et accablés par un soleil souvent peu clément dans ces contrées. D'autres vendeurs, par contre, font de bien meilleures affaires et restent ainsi très évasifs sur leurs recettes qui seraient telles que des agriculteurs de la région de Boukhemssa préfèrent — autre transgression remarquée — traiter avec eux plutôt que d'écouler leur production auprès de grossistes qui ne leur consentiraient que le tiers du prix qu'ils obtiennent en vendant au détail. Autre “avantage” à vendre son produit sur les bas-côtés de routes, autrement dit tout près du verger : la possibilité de cueillir le fruit au fur et à mesure de sa maturation et de le proposer ainsi à la vente dans son aspect le plus frais et selon l'état de l'offre et de la demande pour finalement... en tirer le maximum de gain et à coût moindre. APS