L'élimination de la France au premier tour de l'Euro 2008, l'un des plus grands fiascos de l'histoire de la sélection après celui du Mondial 2002, trouve son origine dans l'incapacité du sélectionneur à évaluer la méforme de ses cadres, à renouveler son équipe et à gérer la blessure du capitaine Vieira. Raymond Domenech n'a pas su prendre la mesure de la déliquescence des piliers de son équipe. Tous, à des degrés divers, ont été victimes cette saison de blessures (Sagnol, Vieira), d'un temps de jeu réduit en raison de la concurrence (Thuram au FC Barcelone, Malouda à Chelsea) ou de difficultés d'adaptation à leurs nouveaux clubs (Henry et Abidal au Barça). Domenech, qui a pourtant incorporé de nombreux jeunes lors des éliminatoires de l'Euro, s'est obstiné à bâtir son équipe autour de ces joueurs, dépassés physiquement et incapables d'être les moteurs des Bleus. Les forfaits de Henry et de Vieira pour le premier match contre la Roumanie étaient l'occasion de tester en grandeur nature la capacité de leurs remplaçants à assumer la succession. Si Toulalan s'est montré valeureux, sans avoir le même volume de jeu que le grand “Pat”, Benzema a, lui, totalement échoué à faire oublier le meilleur buteur de l'histoire de la sélection (45 buts). Malgré une saison phénoménale, son manque d'expérience en phase finale s'est révélé un fardeau pour ses coéquipiers. Quant aux autres porte-drapeaux de la nouvelle génération bleue (Nasri, Lassana Diarra, Clerc), leur temps de jeu famélique ne leur a pas permis de peser sur le cours des évènements. La déchirure musculaire à la cuisse gauche du capitaine français, survenue le 30 mai, et son forfait pour les trois matches du premier tour ont été un véritable coup dur pour les Bleus. Mais c'est surtout la gestion de cette blessure qui pose problème. Les déclarations de Vieira, la veille de France-Italie, ont ainsi jeté une lumière crue sur la fracture qui existe entre Domenech et des cadres méfiants, qui, comme en 2006, n'ont jamais vraiment adhéré à son discours. Pourquoi avoir gardé Vieira, qui ne peut toujours pas “frapper dans un ballon et accélérer” deux semaines et demie après sa blessure ? Pourquoi cette incapacité du staff médical à évaluer la durée exacte de l'indisponibilité d'un joueur aussi précieux pour l'équipe de France ? Le milieu de terrain de l'Inter Milan a évoqué des “incohérences dans les soins” et des “questions” restées sans “réponses”. Un comble pour l'homme aux 105 sélections, l'un des trois rescapés de la génération championne du monde et d'Europe avec Thuram et Henry. Passé maître dans l'art de brouiller les pistes, Domenech a cette fois raté son coup avec la convocation de Gomis. Un doublé contre l'équateur en amical a suffi pour faire d'un bon attaquant de Ligue 1 un international en puissance, en lieu et place d'un Cissé qui pèse tout de même 37 sélections et 9 buts en bleu. L'absence de Mexès, considéré comme l'un des meilleurs défenseurs du Championnat d'Italie, s'est finalement avérée lourde de conséquences dans un tournoi où l'arrière-garde française s'est noyée sans résistance. Parmi les sept bannis de la première liste élargie, le surdoué Ben Arfa aurait également pu être précieux pour la France, son jeu imprévisible et son art du dribble pouvant justement apporter cette étincelle qui a manqué à la production trop stéréotypée des Bleus. 4-4-2, milieu en losange, 4-2-3-1: Domenech n'a pas réussi à donner une véritable identité tactique à son équipe, hésitant à chaque match sur l'organisation à adopter. Avec comme résultat, des joueurs déboussolés et un manque flagrant de cohérence dans le jeu. À quoi s'ajoutent des erreurs de “coaching” manifestes, notamment contre les Pays-Bas (entrées de Gomis et d'Anelka, Benzema maintenu sur le banc).