- “Oui, il y aura révision de la Constitution” - “Il y a trop de factures de l'état à payer” - “Je suis pour la peine de mort pour les kidnappeurs et les barons de la drogue”. Le Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, réunit aujourd'hui le staff gouvernemental pour examiner les dossiers en suspens et tracer une feuille de route à même de lever les verrous sur les dossiers bloqués, relancer les grands chantiers à l'arrêt, censés être achevés avant avril 2009, et définir les priorités, à savoir la révision de la Constitution, donner un nouveau souffle au plan quinquennal et revoir la méthode de lutte contre le terrorisme, les kidnappings, la violence contre les enfants, le trafic de drogue et les grands détournements dans les postes et les banques ainsi que la corruption. Très à l'aise dans ses propos, Ouyahia a signifié, lors d'un point de presse organisé hier à l'hôtel El-Aurassi, aux professionnels des médias qu'il est “Chef de gouvernement” et qu'il jouit “de toutes les prérogatives” pour mener à terme la mission pour laquelle il a été nommé chef de l'Exécutif par le chef de l'Etat. “J'exercerai pleinement ma fonction de Chef de gouvernement et je tiens à vous préciser que je ne vais pas faire l'hypocrite ! Il y a trop de problèmes et je suis là pour justement régler toutes les factures en suspens. Et je ne suis pas seul. Il y a toute une équipe avec moi. Il y a trop de blocages sur le terrain. Je vais essayer de lever quelques contraintes qui bloquent la machine jusque-là”. Sans donner de détails sur ses priorités immédiates, Ouyahia dira que “la priorité des priorités est la société avec une dose de bon sens. Ces priorités, et tout le monde va s'impliquer pour changer les mentalités, n'est pas d'allumer des pneus à chaque coin de rue et ou de déclencher l'émeute. Notre souci majeur est d'abord d'achever le programme du président Bouteflika, et j'ai cet honneur d'être nommé Chef de gouvernement, sachant que ce n'est pas évident et facile d'occuper cette fonction”. À ce propos, sans se montrer sceptique, Ouyahia renchérit : “Je donnerai ma langue au chat si je vous dis le contraire. Mais au risque de me répéter, je ne ferai pas l'hypocrite ! Car il y a un volume de travail à faire incomparable aux années précédentes.” Citant des exemples de succès, comme le logement et l'autoroute Est-Ouest, le Chef du gouvernement regrette, en revanche, que les banques algériennes ne jouent pas le jeu dans la création d'emplois et des richesses. “Le nombre de dossiers acceptés et validés au niveau de l'Ansej a sensiblement chuté l'année dernière. Or, il y a un dispositif qui garantit le processus de financement et qui prend en charge le risque de remboursement des prêts pour les jeunes. Dès lors, nos banques financent de moins en moins les projets.” À ce sujet, Ouyahia a annoncé une prochaine rencontre avec les P-DG des banques pour faire le point et lever cette énième contrainte. Dénonçant la contrebande qui ronge l'économie nationale, Ouyahia dira d'emblée que “trop de gens bricolent, mais ne travaillent pas. À commencer par ceux qu'on appelle la République des conteneurs.” Changement de la Constitution : “Elle aura lieu bientôt” La révision de la loi fondamentale, qui devra par ailleurs consacrer un troisième mandat à Bouteflika, interviendra très prochainement, selon Ouyahia. “Probablement cette révision va passer par le Parlement. Sinon, si référendum il y a, on attendra la décision du chef de l'Etat et on est là ! Pour vous dire, le président de la République n'a pas changé d'avis sur cette révision depuis juillet 2006. Et les choses sont aussi claires maintenant”, dira Ouyahia, qui rappelle que le Rassemblement national démocratique (RND) a exprimé, à l'issue de son 3e congrès national ordinaire, sa position sur les amendements qui devront toucher la loi fondamentale et réitéré son soutien au chef de l'Etat pour se présenter en 2009 afin de briguer un troisième mandat. En ce sens, Ouyahia a fait référence à l'une des résolutions principales du congrès souverain qui a adopté ses deux principes majeurs. “Notre position n'exprime nullement une attitude circonstancielle, mais une attitude de conviction. Y compris si je n'avais pas été nommé Chef de gouvernement 48 heures avant le congrès, les choses n'auraient pas changé. Depuis 1999, nous avons réuni 18 fois le conseil national et nous avons toujours exprimé notre soutien au programme du président Bouteflika. En 2003, c'était flou pour certains, mais pas pour nous. Ce que je dis aux élus du RND, il faut penser maintenant à 2012 !” Crimes économiques et grands délits : “Je suis pour la peine de mort” Abordant le phénomène de la corruption qui gangrène la société et les institutions de l'Etat, le conférencier dira que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur et sur des preuves dûment établies. “Je ne suis pas un Clint Eastwood, je fais mon job ! La corruption est cette fille née d'une grande dérive que nous devons tous combattre. C'est une lutte sans pitié et un long combat”, affirme Ouyahia qui relève également d'autres phénomènes indissociables du terrorisme. “Celui qui détruit son pays ne mérite que la mort. Et je suis pour la peine de mort dans des cas comme les kidnappings, la violence contre les enfants, les grands détournements dans les postes et les banques ainsi que le trafic de drogue, mais pas ceux qui consomment un joint et que la loi doit réprimer", explique le conférencier qui s'appuie sur des textes de loi, d'une part, et la détermination de l'Etat à faire mal à ceux qui continuent à entretenir ces phénomènes autrefois étranges à notre société. Il dira en revanche que la lutte contre le terrorisme et le processus de la réconciliation nationale se complètent dès lors que l'Etat et la société algérienne n'ont jamais cessé de braver le terrorisme et à soutenir la loi relative à la réconciliation nationale. À la question relative aux statuts des Patriotes, le conférencier tranche : “Y en a marre des statuts. Il y a le texte de loi de 1996 et la Charte pour la paix et la réconciliation nationale.” UPM : “Si les intérêts de l'Algérie ne sont pas compromis” “Si les intérêts de l'Algérie ne sont pas compromis, il n'y a absolument aucun souci d'être présent au sommet de Paris. Mais arrêtons de faire de la question palestinienne un fonds de commerce. Je vous rappelle que Mahmoud Abbas ira à cette rencontre. L'Union pour la Méditerranée (UPM) est un processus qui engage l'Algérie à l'extérieur ! Que ce soit le RND ou un autre parti, nous avons la même position. L'Algérie d'abord, l'Algérie ensuite et l'Algérie enfin, et nous n'avons sur ce plan aucun complexe. Mieux, nous n'avons à recevoir de leçon de personne. Et c'est au président Bouteflika de décider de ce qu'il y a lieu de faire”, a déclaré Ouyahia, qui affirme, par ailleurs, que “plus jamais un Algérien ne mourra pour une cause que celle de l'Algérie. Il n'y a aucun pays au monde où il y a un débat sur l'UPM comme en Algérie, n'exagérons pas”. FARID BELGACEM