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“La question de la démocratisation des institutions est fondamentale en Algérie” Le politologue et islamologue Gilles Kepel lors d'une conférence à Alger
Depuis le 11 septembre 2001, deux expériences portées par le président américain sortant, George W. Bush, et le patron de l'organisation terroriste islamiste Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, se sont affrontées et ambitionnaient de rallier à leur cause une grande partie des opinions publiques dans le monde : “la guerre contre la terreur” et “l'exaltation du martyre”. Mais, toutes deux ont produit de la barbarie avant d'être discréditées. Dans Terreur et martyre : relever le défi de civilisation (Flammarion, 2008), le politologue français, Gilles Kepel, se penche sur les “deux grands récits” et analyse la débâcle de la guerre américaine contre le terrorisme ayant enfanté dans son sillage “la dérive” de Guantanamo et la défaite d'Al-Qaïda qui a provoqué une “guerre dévastatrice entre musulmans”. L'auteur de la Revanche de Dieu (1991), Jihad (2000) et Fitna (2004) poursuit ainsi sa réflexion sur le fondamentalisme religieux. Invité par le directeur de la Bibliothèque nationale d'Algérie pour présenter son dernier ouvrage, Gilles Kepel a reconnu, dimanche après-midi, que “Terreur et martyre” est “une réflexion sur l'échec d'Al-Qaïda, vue dans la logique irakienne”. “Aujourd'hui, à la fin du mandat de Bush, on se retrouve dans une situation où les deux récits ont failli”, a expliqué le politologue français, rappelant que la guerre américaine contre l'Irak “avait d'autres objectifs”, notamment “l'affaiblissement du front anti-israélien” et “le contrôle de la géopolitique dans la région”. “Ce qui me semble important, c'est que nous sommes désormais inscrits dans un monde multipolaire et c'est à l'intérieur de cette multipolarisation que se construira la voie en dehors de la terreur et des attentats suicide”, a révélé le spécialiste du monde arabe. Il a constaté, dans ce cadre, “une remise en cause de la politique américaine dans la région” et “une prise en défaut à l'intérieur du monde musulman de la logique de l'islamisme radical sunnite”. Et, pour échapper aux deux logiques de violence, il a fait l'éloge de l'Union pour la Méditerranée (UPM), la présentant comme l'alternative adéquate. Mais, devant la réaction de l'assistance, l'invité d'Ahmed Zaoui a changé d'avis. “Ce qu'il faut saisir, c'est la création de nouvelles synergies dans le monde qui rompent avec la logique précédente”, a soutenu M. Kepel. Il a également admis que l'Union européenne a un rôle à jouer pour mettre fin à “la violence radicale” et permettre la réalisation d'un Etat palestinien. “L'Union européenne doit pousser pour qu'à l'intérieur de la Palestine, il y ait une coordination entre Palestiniens de Cisjordanie et de Ghaza, sinon il n'y aura plus d'entité palestinienne”, a-t-il déclaré. Quant aux Etats-Unis, ils seront contraints, selon lui, “d'engager une forme de négociations avec l'Iran” et ce, quelle que soit la couleur politique du nouveau président élu. Concernant la question du martyre, Gilles Kepel a noté “l'affaiblissement du rôle des ulémas et l'apparition d'ulémas instantanés sur Internet”. Une raison suffisante pour lui pour appeler à la réhabilitation du rôle de ce guide religieux. Le directeur de la chaire Moyen-Orient-Méditerranée à Paris a, par ailleurs, apporté des éclairages. Il a, en effet, distingué Al-Qaïda du mouvement palestinien Hamas qui, soutiendra-t-il, “a une implantation réelle de masse”. “L'évolution de Hamas n'est pas établie. Mais, Hamas est un groupe hétérogène qui comprend des forces qui ont changé ces dix dernières années et qui vont pousser vers la participation démocratique, vers la logique turque”, a affirmé M. Kepel. Pour ce dernier, “un clivage important (existe) au sein de la mouvance islamiste”, opposant aujourd'hui les partisans de la logique turque aux adeptes de “la logique d'Al-Qaïda”. Pour ce qui est de l'Algérie, le spécialiste a confirmé “la stratégie” des partis islamistes et de la daâwa salafiya, qui consiste en “l'islamisation par le bas” en vue de la prise du pouvoir et, par voie de conséquence, l'établissement d'un Etat théocratique. “Cela dépendra de la pratique démocratique dans la société. La question de la démocratisation des institutions est fondamentale”, a-t-il assuré. H. Ameyar