Le ministre de la Communication a annoncé l'épuration des dettes d'imprimerie de la presse publique et de “certains” titres privés. La nouvelle a été lancée avec une nonchalance qui renseigne sur la conviction du pouvoir quant à la légitimité de son arbitraire lorsqu'il s'agit de l'allocation des ressources du pays. Dans le terme “certains”, qu'on refuse d'expliciter, il y a déjà une proclamation du fait du prince. Pas plus que “certains” citoyens algériens ne peuvent bénéficier d'un traitement différencié, des entreprises algériennes ne peuvent jouir d'une attention particulière, si les raisons de cette discrimination ne sont pas établies et rattachées à des références légales et réglementaires qui les prévoient expressément. S'agissant spécialement de l'impression de journaux, et si le gouvernement ne nous a pas abusés par un discours illusoire, il ne devrait pas y avoir de cas de créances douteuses. Depuis 2003, nous assistons, régulièrement à des refus de tirage de titres qui n'avaient pas honoré leurs dettes vis-à-vis des imprimeries d'Etat. Même le différé contractuel n'était pas pris en compte dans ces suspensions “commerciales”. L'opinion publique avait été, en partie, blousée par le discours d'un pouvoir qui opposait à la dénonciation du bâillonnement l'intention indélicate de “certains” éditeurs de vouloir échapper aux règles de “commercialité”. Comment se fait-il alors que “certains” titres privés aient pu solidairement accumuler 2,5 milliards de dinars de dettes, si cette prescription “commerciale” était appliquée sans discrimination ? Le paiement comptant des frais d'impression était en fait complémentaire de l'effet répressif d'autres instruments d'influence comme l'intimidation judiciaire des journalistes, la contrainte fiscale et l'allocation discriminatoire des budgets publicitaires institutionnels. Il est vrai que l'orthodoxie des procédures d'allocation de l'argent public n'est pas sa contrainte, mais la transparence gagnerait à ce que le pouvoir nous explique “l'assainissement” — “qui ressemble à un engraissement” — de “certains” titres n'ayant justement pas eu de frais. Pendant que l'argument “commercial” était brandi pour justifier une répression sélective de la liberté d'expression, les éditeurs étaient mis devant le choix entre une presse complaisante à frais quasi nuls et une coûteuse indépendance. Il faut dire, au passif de la confrérie et à l'avantage du pouvoir, que le choix de la profession a rarement été celui de la liberté de presse. Maintenant qu'une nouvelle opération de mystification politique se prépare, on efface tout et on recommence ! En même temps qu'il fait un aveu a posteriori, le pouvoir émet peut-être un message : on redonne, comme on dit dans les jeux de cartes. Avis aux amateurs. Aux amateurs, c'est le cas de le dire, car cette expérience de clientélisme médiatique aura surtout servi à “déprofessionnaliser” le journalisme et le détourner de sa mission d'information vers une fonction de dévotion. Et comme en tout, les flatteurs les plus empressés ne sont pas les défenseurs les plus efficaces. Sauf qu'ils vivent aux dépens… du budget de l'Etat. M. H. [email protected]