Le rapport entre l'information et la politique, certes très complexe et controversé, a beaucoup changé en l'espace d'une décennie. Cette transformation est à mettre sur le compte du changement de regard des systèmes politiques sur les libertés, essentiellement la liberté d'expression. Ce point de vue a été présenté hier par Badreddine Mili, journaliste et ancien directeur de l'APS, au centre d' Echaâb des études stratégiques (CEES). S'appuyant sur le cas des régimes politiques occidentaux, ce dernier a révélé que “les systèmes de gouvernance sont de plus en plus marqués par l'interventionnisme”, allant jusqu'à remettre en cause “les droits fondamentaux” des citoyens, à l'exemple du droit à l'information. Selon M. Mili, une “stratégie” a été mise en place, après la chute du mur de Berlin, par l'administration américaine et le Pentagone, qui répond aux intérêts de puissances d'Etat. Une stratégie impliquant “le pouvoir de l'argent et de la publicité”, ainsi que des “lobbies politiques et économiques”, visant la “soumission” des médias et le recours aux “censures indirectes”. Cette étape est imprégnée, d'après lui, par “la résurgence des valeurs conservatrices et religieuses, surtout extrémistes”. Sur le plan de la relation entre le pouvoir politique et les médias, celle-ci a évidemment été modifiée, taisant les voix discordantes et laissant place à de “nouvelles règles” qui vont encadrer le fonctionnement des organes d'information et réduire considérablement la marge de liberté des journalistes. Résultat, “beaucoup de faits sont occultés”, dira M. Mili, tout en rappelant que la politique des deux poids deux mesures dans le traitement de l'information contribuera à l'émergence de “l'islamophobie”, “l'intolérance” et des “vieux réflexes racistes par rapport aux communautés émigrées”. “On assiste à la “peoplelisation'' de la politique, c'est-à-dire la transformation des hommes politiques en stars et celle des médias qui se chargeront de divertir la société”, a souligné l'ex-cadre au ministère de la Communication. Pour Badreddine Mili, les régimes politiques occidentaux sont ainsi en train de “préparer l'avènement des sociétés monolithiques”, où les droits et les libertés risqueraient d'être redéfinis. Mais la situation n'est pas si désespérée dans les pays du Nord, ajoutera-t-il, puisque des “perspectives non négligeables” s'ouvrent à travers “la montée du phénomène altermondialiste en tant qu'alternative au libéralisme sauvage”, “les luttes internes” et “l'apparition d'observatoires indépendants des médias”. Pour ce qui est des pays du Sud, il a estimé que ceux-ci peuvent apporter leur contribution, dans leurs “luttes accompagnées de la liberté de dire et d'écrire”. De son côté, le Dr Benkherfellah a insisté sur le lien entre “l'existence de la communication (politique)” et “la continuité du système politique”. “S'il n'y a pas de communication, il n'y aura plus de système politique”, a-t-il prévenu. Quant au Dr Ahmed Adimi, il a laissé entendre qu'un “pouvoir intelligent est celui qui encourage la création d'une opposition forte”. Il a en outre rappelé qu'en matière de communication politique, le politique doit prendre en compte certains éléments, dont notamment “le niveau d'instruction et le niveau culturel”, “le courage politique” et la force de “l'argumentation”, ainsi que “la présence continue et non conjoncturelle sur le terrain”. “Le temps des longs discours est révolu”, a indiqué plus loin M. Adimi, en plaidant pour “la simplicité dans les grandes idées” et “les petites phrases” dont l'impact est déterminant. La rencontre-formation d'Echaâb, consacrée à “la communication et la politique”, a rassemblé des représentants de quelques partis politiques (FLN, PNSD, etc.), des universitaires et des journalistes. Elle se poursuivra ce matin. H. A.