Accusé d'activités anti-laïques l'AKP, parti à la tête du pays depuis 2002, risque de se voir chasser du pouvoir. La Cour constitutionnelle turque a repris, hier, ses délibérations sur une éventuelle interdiction du parti au pouvoir, et sa décision devrait intervenir dans les jours qui viennent. Ce procès est le premier ouvert en Turquie contre un parti au pouvoir. Les magistrats avaient débattu plus de douze heures, la veille, sur la demande d'interdiction du Parti de la justice et du développement (AKP, issu de la mouvance islamiste et créé en 2001 sur les cendres de partis islamistes dissous, également au motif qu'ils menaient “des activités anti-laïques”). Les juges ont prévu de débattre tous les jours, pendant une durée indéterminée. Selon les observateurs, le fait que les magistrats aient décidé de poursuivre les débats jusqu'à tard dans la soirée laisse penser qu'un arrêt sera rendu public dans les tout prochains jours. Les médias turcs estiment que les juges pourraient se décider d'ici vendredi soir. Le verdict requiert l'accord de sept des onze magistrats. Les délibérations interviennent dans une atmosphère de tensions politiques en Turquie, exacerbées par un double attentat dimanche à Istanbul qui a fait 17 morts et n'a pas été revendiqué. Le tribunal pourrait accepter ou rejeter le recours, ou choisir une voie intermédiaire, privant, par exemple, l'AKP de financement public. Au pouvoir depuis 2002, victorieux aux législatives de 2007, l'AKP s'est attiré depuis les foudres des milieux pro-laïcs en voulant notamment légaliser le voile islamique dans les universités, sujet sensible dans ce pays majoritairement musulman, mais fondé sur une stricte laïcité. La justice demande également que 71 membres du parti, dont le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan et le président Abdullah Gül, soient interdits d'appartenance à un parti politique pendant cinq ans. De l'avis général, si l'AKP était dissous, des législatives anticipées devraient être organisées et ce, dès l'automne. Cette affaire constitue un nouvel épisode du bras de fer engagé entre les milieux et institutions laïques de Turquie, parmi lesquels l'armée et le système judiciaire, et le parti au pouvoir, dont beaucoup de membres sont des musulmans pratiquants qui affirment avoir renoncé à mêler religion et politique. L'arrêt des juges sur l'AKP devrait avoir également des répercussions sur les relations avec l'Union européenne avec laquelle Ankara a entamé de difficiles négociations d'adhésion en 2005, prévues pour durer au moins dix ans, voire davantage. DJAZIA