Un attentat kamikaze a secoué avant-hier, aux environs de 21h30, le port de pêche de Zemmouri El-Bahri, 15 km à l'est de Boumerdès, faisant 8 morts, tous des citoyens, et 19 blessés dont 3 gendarmes. La forte explosion, qui a été ressentie dans un rayon de 50 km, a provoqué une panique générale dans toute la wilaya de Boumerdès. De nombreux citoyens, qui avaient cru au début à un tremblement de terre, se sont rendu compte quelques minutes après qu'il s'agissait d'un attentat terroriste voulant cibler le cantonnement des garde-côtes de Zemmouri. Les terroristes voulaient certainement rééditer l'attentat commis en septembre 2007 contre la caserne des garde-côtes de Dellys, qui a fait 33 morts parmi les militaires. Seulement, c'était compter sans la vigilance des gendarmes qui ont avorté cette attaque. Car le carnage aurait été plus meurtrier si le gendarme en faction devant les locaux de la gendarmerie du port n'avait pas stoppé net le kamikaze qui tentait de foncer sur les sièges des garde-côtes et de la gendarmerie, témoignent des rescapés de l'attentat. “J'ai entendu une rafale de balles et quand je me suis retourné, j'ai vu un homme sortir de son véhicule et crier : “Allah Akbar”, puis plus rien…”, affirme Hamid, en état de choc et le visage ensanglanté que nous avons rencontré sur les lieux de l'explosion une heure après l'attentat. Non loin de là, un élément de la Protection civile, tenant entre ses mains un corps déchiqueté, est sorti d'un bungalow complètement dévasté. “C'est le corps de Hamidou le vendeur de cigarettes”, nous affirme un pêcheur qui dit reconnaître la victime grâce aux vêtements qu'elle portait. “Son ami était avec lui, il serait mort lui aussi”, lance un jeune campeur l'air complètement désemparé qui nous montre la Megane verte à bord de laquelle se trouvaient deux autres victimes, Nadjib et Wassin, deux amis âgés de 23 et 24 ans venus laver leur véhicule au bord de la plage. “Ce sont deux amis de la cité Dallis située au centre de Zemmouri-ville qui viennent souvent ici se rafraîchir”, indique un ami des victimes. Leur véhicule dont les feux clignotaient toujours est resté collé au mur d'un bungalow heureusement inhabité. Dix mètres plus loin, le local d'un jeune coiffeur fume encore. Le coiffeur, un jeune de Jijel, et son ami originaire de la même wilaya, venu lui rendre visite, sont morts tous les deux. Ils ont été écrasés par le toit de leur local. Leurs corps furent retirés des décombres par les pompiers et des pêcheurs venus prêter main-forte aux secouristes. Un résidant vient de faire une découverte macabre. Il s'agit de la partie d'un corps gisant dans une mare de sang presque noire. On apprendra plus tard qu'il s'agirait du corps d'un jeune de Lakhdaria venu passer ses vacances à Zemmouri. “Il s'apprêtait à payer son paquet de cigarettes à Hamidou quand l'explosion s'est produite”, précise un riverain qui nous indique l'endroit de l'explosion. Un cratère de deux mères de diamètre et d'un mètre de profondeur a été creusé par la bombe dont les débris ont criblé un magasin d'alimentation générale situé dans les environs. Des morceaux de ferrailles et des pièces détachées de la camionnette Toyota furent récupérés du cratère par les premiers policiers et gendarmes arrivés sur les lieux qui font signe à deux pompiers de ramasser des morceaux de chair, probablement ceux du kamikaze, qui traînaient par terre. La police scientifique, qui vient juste d'arriver, a entamé son travail d'investigation. Une tâche rendue difficile par l'obscurité car les lieux n'étaient éclairés que par les feux des camions militaires déployés sur les lieux. Ce n'est que deux heures pus tard que des groupes électrogènes munis de lampadaires sont ramenés sur place par les gendarmes qui voulaient d'abord sécuriser les lieux. Un cordon de sécurité a été dressé sur les lieux de l'attaque et seuls les riverains et les familles des victimes ont été autorisés à y accéder. Le secrétaire général de la wilaya, qui assure l'intérim, le chef de daïra et le maire de Zemmouri étaient là quelques minutes après l'attentat. On remarquait également la présence de nombreux responsables des services de sécurité, y compris le chef de secteur de Tizi Ouzou de l'ANP qui se trouvait sur les lieux en compagnie de son collègue de Boumerdès. Nous discutions avec un responsable de la sécurité quand un militaire vient nous apprendre qu'on vient de tirer sur une ambulance de la Protection civile qui transportait des blessés. En effet, un groupe de terroristes, qui se trouvaient sur les hauteurs de la ville de Figuier, a mitraillé l'ambulance de la Protection civile. On déplorera 4 blessés parmi les pompiers, mais fort heureusement aucune balle ne les a touchés. Les blessures provenaient surtout des débris du pare-brise du véhicule. “Dès que nous avons entendu les rafales tirées en notre direction, nous nous sommes plongés sur les blessés pour les couvrir et assurer leur sécurité”, nous avouera plus tard un agent de la Protection civile de Boumerdès. La nouvelle de cette attaque, visant une ambulance, a exacerbé davantage la colère des habitants de Zemmouri El-Bahri. “Ils tuent des civils et tirent maintenant sur les blessés civils”, lâche un responsable de la sécurité qui donne aussitôt des instructions pour sécuriser le trajet emprunté par les secouristes. Au niveau de l'unité des urgences de Boumerdès qui fait office d'hôpital, c'est le branle-bas de combat. Des médecins et des infirmiers, dont certains sont habillés en survêtement, accueillent les blessés. On compte déjà une dizaine de blessés, sept citoyens et trois gendarmes dont un est touché au pied. “C'est lui qui a tiré sur le kamikaze”, lance fièrement un de ses collègues. Quelques minutes plus tard, une autre ambulance ramène un blessé. Rabah, un citoyen de Zemmouri âgé de 27 ans, a tenu à remercier une vieille femme qui lui a sauvé la vie. “Cette femme courageuse m'a attrapé par l'épaule et m'a soigné puis m'a ramené chez les pompiers”, a-t-il témoigné. De nombreux blessés furent aussitôt évacués vers les hôpitaux de Thénia et d'Alger. D'autres ne regagneront leur domicile que le lendemain matin. Le ministre de l'Intérieur M. Yazid Zerhouni, accompagné de M. Ali Tounsi et le général-major Bosteïla, commandant de la Gendarmerie nationale, est venu hier matin sur les lieux de l'attentat pour s'enquérir de la situation avant de se déplacer à Boumerdès où il a rendu visite aux blessés. M. Zerhouni a déclaré que les terroristes ont tenté de répondre à l'opération menée par les services de sécurité à Béni Douala où plus de 12 terroristes ont été tués parmi eux des militaires. Le ministre a indiqué que l'attentat de Zemmouri a été planifié par les mêmes groupes qui ont mené l'opération de Tizi Ouzou. Pour rappel, les services de sécurité ont éliminé lors de cette opération Karim Ghazi alias Abou Hazene, considéré comme l'un des principaux “émirs” de l'ex-GSPC. Mais cet attentat, qui a fait un carnage parmi les citoyens, a plongé la population locale dans la consternation. Beaucoup ont condamné cet acte terroriste qui rappelle les années noires du GIA. Il y a seulement une semaine, le GSPC annonçait que ses opérations sont menées dans des lieux “relativement éloignés des zones résidentielles”. M. T.