Avec un œil sur l'opinion publique mondiale, le président Barack Obama a introduit cette semaine une version plus clémente de la “guerre contre le terrorisme” des Etats-Unis, en interdisant la torture et en ordonnant la fermeture de la prison de Guantanamo d'ici un an. Mais les dures réalités de la lutte contre le réseau Al-Qaïda se sont rapidement réaffirmées, les raids et les frappes de missiles au Pakistan montrant que cette guerre est loin d'être terminée. “La terminologie "guerre contre le terrorisme" peut disparaître, mais la guerre contre Al-Qaïda ne disparaîtra pas”, affirme ainsi Bruce Riedel, un ancien agent de la CIA, conseiller de Barack Obama pendant la campagne présidentielle et la période de transition. “C'est une erreur de conclure que l'Administration Obama ne va pas s'en prendre à Al-Qaïda avec des intentions au moins aussi sérieuses que celles de George W. Bush”, a-t-il ajouté. Vendredi, des tirs de missiles dans le nord-ouest du Pakistan, où les Etats-Unis ciblent fréquemment le réseau d'Oussama Ben Laden, ont fait au moins quinze morts, des membres d'Al-Qaïda et des civils. Dans le même temps, une vidéo publiée sur des forums islamistes a notamment présenté un ancien détenu saoudien de Guantanamo, Saïd Ali al-Shihri, comme l'un des dirigeants d'Al-Qaïda au Yémen. Al-Shihri fait partie des soixante et un anciens détenus de Guantanamo que le Pentagone soupçonne d'avoir repris le combat à leur sortie. “Il va y en avoir d'autres en circulation”, a affirmé un responsable militaire américain sous le couvert de l'anonymat. Malgré tout, la nouvelle Administration estime que le mal causé aux Etats-Unis par le fait de défendre Guantanamo nécessitait un changement de direction. “Je pense qu'il faut soupeser le coût de méthodes d'interrogatoire plus sévères au regard de ce dont le Président a parlé pendant son discours d'investiture, nos valeurs et l'impact que cela peut avoir sur nos valeurs”, a déclaré, jeudi, le secrétaire à la Défense, Robert Gates. L'amiral à la retraite, Dennis Blair, désigné pour diriger le renseignement américain, a rejeté, jeudi, devant le Congrès, l'usage de la torture, la jugeant “illégale, immorale et inefficace”. La nouvelle Administration espère clairement que ce changement de politique permettra d'obtenir plus facilement l'aide d'autres gouvernements et apaisera le sentiment anti-américain qui alimente les extrémismes dans le monde musulman. Renoncer à la torture et fermer Guantanamo “augmente les chances que d'autres pays coopèrent avec nous dans la lutte antiterroriste”, estime Robert Hunter, du centre de réflexion Rand Corporation. Néanmoins, appliquer cette nouvelle politique place l'Administration devant des défis pratiques qui devront rapidement être résolus. Les Etats-Unis vont-ils désormais transférer des chefs d'Al-Qaïda vers leur propre territoire pour y être jugés ? La CIA peut-elle détenir et interroger des suspects de terrorisme à l'étranger de son propre chef, ou doit-elle travailler avec les gouvernements sur place ? La question risque de se poser plus tôt que prévu, la CIA et les Pakistanais ayant arrêté au Pakistan Zabi ul-Taïfi — soupçonné d'être un responsable d'Al-Qaïda et recherché pour les attentats de Londres du 7 juillet 2005 —, quelques heures après la prestation de serment de Barack Obama. “Nous avons dit que nous n'enverrions plus personne à Guantanamo (...) mais maintenant nous avons un nouveau prisonnier potentiellement dans la mêlée. Et il pourrait être le premier à échoir à l'Administration Obama” si Islamabad le remet aux Etats-Unis, a déclaré Bruce Riedel. R.I. /Agences