Les commanditaires ne sont jamais au four de l'action, car ils ne font que louer des camions conduits par des jeunes qui s'occupent du chargement et de l'acheminement vers des dépôts clandestins. L'itinéraire et le temps de passage sont savamment choisis pour qu'ils coïncident avec la présence d'agents peu scrupuleux, chargés de la protection de ce patrimoine. Le massif de Collo recèle, indéniablement, une importante richesse de chênes-liège, de chêne zen et de pins maritimes. Il est considéré comme étant la zone la plus boisée d'Algérie. Or, il est constamment agressé par une horde de pilleurs qui trouvent toutes les facilités pour dépouiller cette région montagneuse et forestière de tout ce qui a de la valeur sur le marché national et international. “Le démasclage clandestin du liège bat son plein ces dernières semaines et même les jeunes arbres ne sont pas épargnés”, nous dira un propriétaire peiné de voir son bien saigner devant ses yeux sans broncher. L'omerta est de mise dans cette région car, d'une part, les riverains ont peur des représailles et, d'autre part, c'est leur seule activité rémunérée. Pour le comble, sur place, on a trouvé une personne qui pille le liège de sa propre famille. Le bois de cette région est très prisé, notamment le bois d'œuvre pour l'ébénisterie qui nécessite une cinquantaine d'années pour sa maturation. Le pin maritime et le zen sont également abattus clandestinement pour prendre les tortueux chemins des trafiquants qui agissent avec une facilité déconcertante pour dépouiller cette région de ses trésors. Ces pilleurs trouvent un climat adéquat pour l'exploitation des jeunes du coin, souffrant d'une misère frappante, une main-d'œuvre locale qualifiée et bon marché, facilement embrigadée pour s'occuper du démasclage du liège et de l'abattage des arbres. Selon l'un des propriétaires victimes de ce pillage, ces jeunes sont payés entre 4 000 et 5 000 DA le quintal de liège pour que les trafiquants le revendent entre 8 000 et 12 000 DA. Les commanditaires ne sont jamais au four de l'action, car ils ne font que louer des camions conduits par des jeunes qui s'occupent du chargement et de l'acheminement vers des dépôts clandestins. L'itinéraire et le temps de passage sont savamment choisis pour qu'ils coïncident avec la présence d'agents peu scrupuleux, chargés de la protection de ce patrimoine. Lors de notre récent passage au niveau de la localité d'Afensou, dans la commune de Kanoua, les piles de stères de liège démasclées la nuit sont déposées au bord de la route, sans qu'aucune mesure de camouflage soit prise, ni même voir des personnes de gardiennage. Mais, qui oserait toucher à cette “moisson” de pilleurs qui font la pluie et le beau temps et qui exploitent la conjoncture sécuritaire et l'absence des propriétaires pour ruiner la région ? Les plus grands trafiquants sont parmi ceux qui disposent d'autorisations d'exploitation de liège d'un certain nombre de stères pour que cette quantité soit multipliée à l'infini jusqu'au dépouillement total, notamment du liège étatique, sans pour autant négliger les biens privés. Dernièrement, un transporteur de bois pillé dans la localité de Tizeghbane, dans la commune d'Ouled Attia, a été intercepté à El Harrouch, soit plus d'une centaine de kilomètres plus loin. Sachant que le massif de Collo, notamment les régions fortement boisées, est censé abriter des groupes terroristes très dangereux, et donc, sa fréquentation, de surcroît de nuit, est risquée, néanmoins, les pilleurs agissent en territoire acquis et n'ont cure des incursions nocturnes des groupes armés pour racketter les familles des localités isolées. Donc, il n'est point ingénieux de faire le lien entre ces pilleurs des richesses du massif et de ces groupes armés qui empruntent les mêmes chemins et agissent la nuit. Quant aux autochtones propriétaires, ils sont coincés entre deux feux, celui des trafiquants et celui des groupes armés. A. Boukarine