Le village de Houra, dans la commune de Bouzeguène, était en liesse le week-end dernier, fier de retrouver une de ses traditions ancestrales qui est “lewziaa” ou “timechret”. Depuis quelques jours déjà, les préparatifs étaient menés bon train. Un tel événement est toujours vécu passionnément par la population. La joie des retrouvailles avec toutes les familles qui ont émigré, avec toutes les filles du village mariées à l'extérieur et enfin la joie de renouer, l'espace d'une journée, avec la solidarité qui caractérisait, dans le passé, tous les villages kabyles. Le mot solidarité retrouve son véritable sens : rassembler tout le monde autour d'un même idéal, l'entraide, le soutien, la compassion, le partage, le pardon…. Dès le petit matin, la grande place du village commençait à se remplir. Le siège de l'association devenait l'épicentre d'une attraction pittoresque. On se prépare à rassembler les quatorze taureaux qui seront immolés, conformément aux rites traditionnels, puis dépecés en parts égales qui comprendront des morceaux de viande provenant de toutes les parties de la bête (de la meilleure pièce de la cuisse jusqu'aux boyaux). Le village a toutefois fait un choix car, pour sacrifier quatorze bêtes, il faut des moyens colossaux humains et matériels. Deux taureaux seront immolés au village pour marquer l'histoire, faire plaisir aux enfants et immortaliser l'événement. Les douze autres bêtes seront dirigées vers l'abattoir communal disposant de moyens d'abattage et d'hygiène conséquents. Pour se faire, les taureaux seront transportés dans deux camions à ridelles ceinturées par un immense cortège de voitures toutes en klaxons. La distribution de la viande est un moment crucial. Sur la base d'une liste préalablement préparée pour les besoins de l'événement, chaque foyer aura droit à sa part de viande qui servira à la préparation du dîner familial. Timechret se révèle être un rite social séculaire qui se pratique, non seulement pour célébrer un événement comme cela se faisait dans le passé (début des labours, approche du Ramadhan ou de l'Aïd, arrivée des pères de famille qui ont émigré depuis fort longtemps pour fêter leur retour….), mais aussi “timechret” est organisée également pour permettre la préservation du tissu social, protéger son homogénéité et éloigner le mauvais sort. La cherté de la vie incite également les gens à recourir à la solidarité et à l'union pour se soustraire aux relents des mauvaises conditions de vie qui caractérisent la société villageoise en Kabylie. C. NATH OUKACI