L'Algérie enregistre une progression rapide des réserves en devises, un désendettement très significatif pendant que le chômage des jeunes et le financement hors hydrocarbures du budget restent préoccupants. Face à des résultats modestes en matière d'investissements, le chef de l'Etat exige une utilisation rationnelle des dépenses publiques et appelle les banques à améliorer leur capacité d'intermédiation. Dans le cadre des auditions annuelles qu'il dirige sur les activités des différents secteurs du gouvernement, M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a présidé une réunion restreinte consacrée au secteur des finances. L'exposé présenté par le ministre des Finances a abordé successivement la situation globale des finances publiques nationales, la réforme des administrations fiscale, douanière et des domaines, la réforme du secteur financier et, enfin, la relance de la planification et de la prospective. Les réserves de change ont atteint 133 milliards de dollars US à fin juin 2008 Ce qu'il faut retenir sur le plan macroéconomique, les indicateurs sont demeurés positifs tout au long de ces cinq dernières années. Les réserves de change ont atteint 133 milliards de dollars US à fin juin 2008. À ce rythme, les réserves de change algériennes devraient atteindre 160 milliards de dollars à la fin de l'année. Pour l'année 2007, la croissance du produit intérieur brut a été de 3% en général et de 6,3% hors hydrocarbures, l'inflation a, quant à elle, été maintenue à un seuil raisonnable en contexte de fortes dépenses publiques. L'excédent commercial est demeuré important avec 33 milliards de dollars US en 2007, malgré une poursuite de la hausse des importations. La dette publique extérieure n'est désormais plus que de l'ordre de 623 millions de dollars US à fin juin 2008, suite au désendettement anticipé décidé par le chef de l'Etat en 2005. Pour rappel, la dette extérieure publique avait atteint un pic de 33 milliards de dollars US en 1997 et se situait encore au niveau de 21 milliards de dollars US à la fin de l'année 2004. De la même manière, et suite aux directives présidentielles pour le remboursement de la dette publique interne, celle-ci a déjà enregistré une réduction de 60% appelée à se poursuivre encore. Malgré cette aisance financière, l'économie ne décolle pas. L'économie reste suspendue aux cours du baril du pétrole et subit douloureusement sa dépendance alimentaire, face au renchérissement des cours des matières premières sur le marché international. Le secteur manufacturier, théoriquement source de la croissance à long terme, représente moins de 6% du PIB et moins de 3% des exportations. En outre, il ne joue pas son rôle de moteur de la croissance. La faible contribution des secteurs productifs — agriculture et industrie manufacturière — est préoccupante quant à la soutenabilité de la croissance à long terme. Le pays oublie en outre d'investir dans les ressources humaines et les entreprises peinent à trouver du personnel qualifié, alors que le taux de chômage parmi les jeunes est fortement élevé. Ouvrir la voie à la reconquête du marché intérieur, mais aussi à la conquête de marchés extérieurs, en économie ouverte, passe, entre autres, par la fabrication de champions publics et privés. Par ailleurs, la population ne voit pas les retombées directes de cette manne. Ce qui pose la question de la redistribution de la richesse nationale. Tant l'industrie, l'agriculture que les services souffrent d'un grand déficit en investissements. Les difficultés budgétaires s'annoncent avec la montée des dépenses de fonctionnement Les dépenses publiques sont en progression constante du fait de l'importance du programme quinquennal de développement, mais aussi du poids atteint par les dépenses de fonctionnement. Ainsi, le budget de fonctionnement, qui sera de l'ordre de 2 500 milliards de dinars pour 2009 (soit 223% de la fiscalité ordinaire) atteindra sous peu 3 300 milliards de dinars, du fait de la prise en charge des frais de fonctionnement des diverses nouvelles réalisations administrative et socioculturelle, mais aussi de l'importance de l'intervention de l'Etat au titre de l'action sociale, dont le montant a déjà dépassé 1 000 milliards de dinars durant l'année 2008. À ce titre, le président de la République a instruit le ministre des Finances pour que, à l'avenir, l'examen de tout projet d'investissement public soit accompagné de la prise en considération des dépenses de fonctionnement et autres dépenses récurrentes qu'il génèrera. Le budget public a désormais atteint des montants très lourds par rapport aux moyens réels du pays. Les retards dans la réalisation des programmes d'investissements publics ont déjà coûté au Trésor public d'importantes réévaluations. Alors que les coûts initiaux sont pour la plupart sous-estimés, les coûts finaux sont, à l'inverse, très souvent surestimés. Du coup, le président de la République ordonne au gouvernement que “le futur programme quinquennal pour la période 2009-2014 accorde la priorité aux projets ayant fait l'objet d'études préalables pour leur lancement sans retard, ni réévaluation”. “Cela n'est pas destiné à freiner les efforts de l'Etat en matière de développement auxquels j'accorderai toujours une importance extrême, tant les retards à rattraper sont encore importants dans notre pays. Mais nous devons aussi renforcer notre visibilité sur l'avenir à moyen et long terme”, précise le chef de l'Etat. Le chef de l'Etat somme les banques de financer l'investissement productif Le président de la République a instruit le ministre des Finances, qui exerce la tutelle sur les banques publiques, “de veiller à l'identification de voies et moyens d'accroître le crédit au financement de tout investissement local productif, sain et sincère”. Le président Abdelaziz Bouteflika a souligné que “nous devons encourager davantage les investissements productifs nouveaux, non pas ceux spéculatifs, mais ceux qui contribuent à la création de richesses véritables et qui participent à la création d'emplois. Le gouvernement doit donc trouver des solutions à cette question”, a ordonné le chef de l'Etat. Le grand argentier du pays, dans son exposé, parle de renforcement de la stabilité et de la rentabilité des banques publiques grâce, notamment à la mise en place de contrats de performance pour les dirigeants et le renforcement du rôle des conseils d'administration, l'amélioration des fonds propres des banques publiques de plus de 150 milliards de dinars. “De ce fait, tous les grands projets d'investissements sont financés par nos banques, le renforcement de la capacité d'engagement des banques sur les crédits à moyen et long terme, grâce à une ligne de crédits du Trésor public et l'assainissement du portefeuille des banques avec le traitement des créances des entreprises publiques fortement déstructurées”. Dans une économie algérienne qui connaît une ouverture de plus en plus grande, un taux de chômage toujours trop élevé, l'avenir dépend, en grande partie, des PME-PMI et le développement de celles-ci de la possibilité qu'elles ont d'accéder à un financement efficace de leurs activités d'exploitation et d'investissement. Les PME-PMI accèdent difficilement au crédit au moment où les banques sont “surliquide”, en ressources courtes. Le ministre des Finances évoque le développement constant des crédits destinés au financement de l'économie. Ces derniers, qui avaient enregistré une hausse de 13% entre 2006 et 2007, poursuivent la même tendance depuis le début de l'année en cours, tout comme il est à relever que 55% des portefeuilles des banques sont désormais constitués de crédits aux entreprises privées. Le chef de l'Etat a ordonné au ministre des Finances de diligenter la réflexion pour la création d'un mécanisme financier national, à travers lequel le Trésor sera en mesure de mobiliser et de fructifier une part de l'importante épargne de l'Etat, en appui au financement de l'investissement économique dans le pays. Cependant, le président de la République exclut la mise en place par l'Algérie d'un fonds souverain tel que suggéré par certains économistes, dont l'ancien ministre des Finances Abdelatif Benachenhou. “Certains nous suggèrent de nous lancer dans l'aventure d'un fonds souverain pour rentabiliser davantage nos réserves de change à l'étranger. J'estime que le pays continue d'avoir un énorme besoin de capitaux pour le développement de l'économie nationale, qui ne plaide pas actuellement pour ce choix”, souligne le premier magistrat du pays. Un cahier des charges pour les nouvelles banques étrangères voulant travailler en Algérie Le premier magistrat du pays a demandé à la Banque d'Algérie de mettre au point un cahier des charges pour les banques étrangères voulant travailler en Algérie. Ce cahier des charges doit fixer certains critères aux banques voulant travailler en Algérie, et “notamment l'obligation pour elles de réserver une partie de leur portefeuille au financement réel de l'investissement et non pas à se limiter à l'accompagnement du commerce extérieur ou à la promotion des crédits à la consommation”. “Nous sommes pour l'ouverture aux banques étrangères et aux banques privées, mais dans le respect des normes universelles… Nous respecterons les normes internationales avec nos partenaires étrangers dans tous les domaines, mais nous attendons aussi de leur part le respect des intérêts de l'Algérie”, souligne Abdelaziz Bouteflika. Meziane Rabhi