A l'occasion de la célébration de la journée du savoir, le 16 avril de chaque année, l'association des amis de la rampe Louni Arezki et de Sidi Abderrahmane, ont organisé, hier, une rencontre autour de la thématique du patrimoine linguistique algérien, animée par l'universitaire Khaoula El Ibrahimi. Cette rencontre, portant sur le patrimoine linguistique algérien, «expression du moi intime du peuple», a permis aux nombreux présents de mesurer la portée de la richesse du patrimoine ancestral national. Selon la sociolinguiste Khaoula El Ibrahimi, il s'agit d'un moyen d'expression du «moi-intime» du peuple. Elle explique que «les langues parlées en Algérie, amazighes soient-elles ou dérivées de l'arabe (...) représentent un patrimoine linguistique riche et diversifié que nous devons conserver et transmettre aux générations futures». Pour donner plus de poids à son argumentaire, la conférencière est revenue sur le poème du Cheikh Mustapha El-Kebabti, une ode dédiée à El-Djazaïr et dans laquelle le poète et ancien mufti de la Grande Mosquée d'Alger au 19e siècle, a choisi de mettre en vers son chagrin et sa douleur d'exilé en algérien au lieu de l'arabe littéraire. Pour cette spécialiste, l'oralité qui caractérise le patrimoine linguistique algérien a servi de refuge pour les populations autochtones durant la période coloniale, lesquelles l'ont transmis dans une forme de résistance pour se démarquer de l'occupant et imposer leur identité. Les contes populaires, les bouqalate, le melhoun (poésie populaire) et le hawfi (poésie féminine, puisée du patrimoine andalou) en sont une preuve tangible. L'universitaire Khaoula El Ibrahimi a cependant déploré la «stigmatisation» et le «dénigrement» des langues parlées et les tonalités locales par certains chercheurs. Elle estime que l'analyse minutieuse de ce patrimoine linguistique révélait à l'évidence le besoin d'expression des différents sentiments et émotions que ce dernier véhicule. «Les langues parlées aux quatre coins de l'Algérie sont des langues par lesquelles le peuple a réussi à exprimer ses sentiments à travers les différentes étapes de l'histoire qu'il a vécues : ce sont des langues qui ont évolué en même temps que l'évolution de la vie quotidienne», indique-t-elle. Pour l'interlocutrice, les principales institutions sociales, telles que la famille et l'école, ont failli à leur mission de transmission du patrimoine linguistique après l'indépendance, notamment, avec l'apparition d'une «opposition» entre la langue maternelle et celle du maître d'école, considérée comme «la vraie langue». En guise de conclusion, la conférencière a soutenu qu'afin de faire ressortir l'importance du rôle de la société civile dans la transmission du patrimoine linguistique aux générations futures, il est impératif que les scientifiques s'impliquent. «Il faut qu'ils élaborent des ouvrages, des dictionnaires ou même des encyclopédies consacrés à ce patrimoine. Cette démarche permettrait, à mon avis, de mettre les jeunes écoliers, lycéens, étudiants en contact permanent avec leur patrimoine et leur identité, tout en restant ouverts aux autres langues et cultures». Lamia S.