L'association des amis de la Rampe Louni Arezki a véritablement renoué avec la pérennisation des traditions multiséculaires du terroir ancestral, lors de la célébration festive et spirituelle du Mawlid ennabaoui au palais El Menzeh, à la porte de la vieille cité. Une nombreuse assistance, parmi laquelle une participation très remarquable et encourageante de jeunes, était de la fête dans une convivialité évocatrice des journées fastes de la cité antique.Le rite traditionnel a ainsi été accompli au mausolée de Sidi Abderrahmane, le Saint patron d'Alger, par la prestigieuse association andalouse El Inchirah, sous la houlette de son président Hini Smaïn, assisté de Rédha Bestandji, figure très connue du milieu artistique de la musique classique algéroise et de Djamal Soufi, fils du très populaire et respecté imam Mohamed Soufi de La Casbah, des années 1940 à 1964. L'un des monuments de ce patrimoine musical, Mohamed Kheznadji et un de ses compagnons musiciens, Mohamed Benchaouch, de la célèbre El Djezaïria El Mossilia, étaient aussi présents à ce rendez-vous avec la mémoire. Avec un nombre impressionnant de femmes et d'hommes de tous âges, les lieux se sont avérés exigus. L'enthousiasme et la ferveur ont fait de l'incantation liturgique de l'ancestral m'deh une liesse multicolore et joyeuse dans la béatitude de foi des temps anciens. Dès l'accomplissement de ce rite, cette foule, en procession, s'est rendue au palais El Menzeh où une réception était organisée pour la circonstance par l'association des amis de la Rampe Louni Arezki. Dans un décor d'authenticité citadine algéroise, architecture, couleurs et senteurs de «mesk» et «ambar», le palais a difficilement contenu le nombre important des participants, parmi lesquels des personnalités de référence, à l'image des figures emblématiques du mouvement national de La Casbah, Sid-Ali Abdelhamid, de la guerre de libération, Ali Haroun. La communauté universitaire était également présente, en l'occurrence Mme Yermèche. professeur de linguistique à l'Université de Bouzaréah, ainsi que Mme Yacini, sociologue, professeur à l'Université d'Alger. L'historienne de référence d'El Djezaïr, passionnément attachée à la médina et administratrice de ses splendeurs passées, a tenu à faire partie de la fête. L'une des pages d'or du football algérien, la star de l'époque Mustapha Dahleb, était aussi présent, au grand ravissement des jeunes et de ses fans de l'époque. Comme de tradition, cette rencontre conviviale a été entamée par la lecture d'un tadjouid d'un verset du Coran dans l'originalité du mode vocal de la psalmodie spécifiquement algéroise, hélas rarissime de nos jours, magistralement exécuté par Djamal Soufi. Ce fut au tour du président de l'Association qui, après les souhaits de bienvenue à l'assistance, a saisi l'opportunité de la présence de la jeunesse pour, méthodiquement, faire une rétrospective sur l'immensité touffue des richesses du patrimoine immatériel de la culture algérienne, malheureusement méconnue par cette frange majoritaire de la société. Par un message très fort, orienté à l'adresse de celle-ci, il a exprimé la joie et le bonheur de voir réunie en ce jour, dans l'enceinte du palais, une communion de pensée collective de la jeunesse avec ses aînés, en s'exclamant : «Cette rencontre intergénérationnelle de la jeunesse, garçons et filles, avec les repères mémoriels que sont ses aînés, incarne une symbolique de la transmission légitime des legs hérités de nos aïeux, pour la perpétuation des éléments culturels structurants de la personnalité algérienne.» Et d'ajouter avec insistance : «Cela est l'objectif fondamental dans la vocation essentielle de l'Association qui œuvre pédagogiquement et tenacement à la réappropriation de la mémoire collective, de ses repères et des valeurs plurimillénaires de la société algérienne dans la tradition de notre culture d'oralité.» A ce propos, M. Aït Aoudia a tenu à rappeler les récentes et nouvelles dispositions prometteuses adoptées par le ministère de la Culture pour la réalisation du plan de sauvegarde de La Casbah, en insistant «pour un renouement réel et un rayonnement de l'action culturelle dans une Casbah enfin renaissante à travers son patrimoine matériel restauré. Mais il est aussi impérativement vital de mettre à exécution un plan similaire pour la sauvegarde et la promotion de son patrimoine immatériel en direction de sa population. La Casbah ne sera pas muséifiée, mais une cité vivante avec ses habitants qui en seront les acteurs et les animateurs». C'est par cette approche, suivie d'une collation traditionnelle de temina, de dattes et de thé, que cette cérémonie a pris fin dans une ambiance d'allégresse des grands jours.